EcclĂ©siaste3:11 - Français Bible Louis Segond - fls. Il fait toute chose bonne en son temps; mĂȘme il a mis dans leur coeur la pensĂ©e de l'Ă©ternitĂ©, bien que l'homme ne puisse pas saisir l'oeuvre que Dieu fait, du commencement jusqu'Ă la fin.
Agrandir l'image Mon cadre inspiration "Dieu fait toute chose belle en son temps" IdĂ©al pour offrir Ă une personne importante de votre vie ou pour dĂ©corer votre maison ! Vendu dans une jolie boĂźte cadeau design. Dimensions cadre 20 x 15 cm Plus de dĂ©tails Attention derniĂšres piĂšces disponibles ! RĂ©fĂ©rence 021_10012200 Envoyer Ă un ami Plus D'InformationFiche techniqueAvisIdĂ©al pour offrir Ă une personne importante de votre vie ou pour dĂ©corer votre maison !Vendu dans une jolie boĂźte cadeau cadre 20 x 15 cmIdĂ©al pour offrir Ă une personne importante de votre vie ou pour dĂ©corer votre maison ! Vendu dans une jolie boĂźte cadeau design. Dimensions cadre 20 x 15 cm Les clients qui ont achetĂ© ce produit ont Ă©galement achetĂ©... 6,58 âŹ
11il a fait toute chose belle en son temps ; et il a mis le monde dans leur cĆur, de 14 Jâai connu que tout ce que Dieu fait subsiste Ă toujours ; il nây a rien Ă y ajouter, ni rien Ă en retrancher ; et Dieu le fait, afin que, devant lui, on craigne. 15 Ce qui est a dĂ©jĂ Ă©tĂ©, et ce qui est Ă venir est dĂ©jĂ arrivĂ©, et Dieu ramĂšne ce qui est passĂ© *. â v. 13 : litt
Ils sont quelques acteurs, trĂšs peu, on les compte sur les doigts dâune main. On ne sait pas forcĂ©ment grand-chose de leurs vies intĂ©rieures, de leurs joies et tourments, mais câest comme si on les connaissait par cĆur depuis toujours. Ils font partie Ă la fois de la famille et du patrimoine national. Ils peuvent jouer dans des navets, ils prennent quand mĂȘme toute la lumiĂšre â surtout quand ils jouent dans des navets. On sourit doucement quand on les voit sur grand ou petit Ă©cran. Ils nous apaisent. Patrick Chesnais est de ceux-lĂ . On sent lâhumanitĂ© et la gĂ©nĂ©rositĂ© Ă fleur de peau, quels que soient ses emportements. Il a toujours lâair un peu bougon, mais sympathique. Et puis sa voix aussi, chaleureuse, rocailleuse juste ce quâil faut. Le sentiment dâĂ©ternitĂ© est encore plus fort avec lui, parce quâon a lâimpression de ne lâavoir jamais connu jeune. On lui en voudrait sâil rasait sa moustache ou sâil coupait sa drĂŽle de frange latĂ©rale. On peut dĂ©sormais le dĂ©couvrir de façon bien plus intime. Il vient de publier La vie est belle, je me tue Ă vous le dire Ed. LâArchipel, un livre-journal fait de chapitres assez courts, qui volent dâun drame Ă une anecdote, dâun souvenir Ă©mu Ă une opinion dĂ©finitive. Câest tout sauf nombriliste, il y est beaucoup question des autres. On rit, parce quâon ne peut pas faire autrement, quand il descend de scĂšne pour aller frapper un spectateur trop bruyant, ou quâil traite de connard un rĂ©alisateur stalinien qui nâa pas voulu de lui. La mort qui rĂŽde On pleure, Ă©galement, parce que la mort rĂŽde Ă chaque coin de page. Celles de son pĂšre, de sa mĂšre, de son neveu, aussi, dâune overdose. Celle, omniprĂ©sente, de son fils Ferdinand. Et puis les morts quâil a lui-mĂȘme frĂŽlĂ©es un accident de voiture dans la stupiditĂ© de la jeunesse et lâalcool mĂ©langĂ©s, une sortie en bateau et un naufrage au sommet de lâangoisse. Un critique avait un jour dit de lui Il est le chaos, donc la vie.» PosĂ© dans son jardin, il a le souffle court pour rĂ©pondre Ă nos questions. Câest son dix-huitiĂšme jour de Covid-19, et sâil nâa pas subi les symptĂŽmes les plus graves, il avoue quand mĂȘme avoir Ă©tĂ© mis Ă terre. Une fatigue fracassante.» Il dit quâil sâest parfois posĂ© pour Ă©crire comme un auteur qui sâastreint aux heures de bureau. Quâil sâest souvent lancĂ© au grĂ© de ses fulgurances, avec un vrai plaisir Ă se coucher sur le papier. Je me disais que les autres allaient en prendre aussi, du plaisir, si moi jâen avais eu en Ă©crivant. Je le savais de mon expĂ©rience dâacteur. Rabelais disait Jâai connu tout hors que moi-mĂȘme.» Ce livre, câĂ©tait presque une analyse, avec le stylo qui vivait sa vie et dĂ©cidait oĂč mâemmener. Un rĂ©cit dâaventures qui mâa aussi Ă©clairĂ© sur qui je suis moi.» Sur qui il est? Un cancre qui a triplĂ© sa quatriĂšme et fait lâĂ©cole buissonniĂšre. Un Ă©lĂšve assez douĂ© pour dĂ©crocher le premier prix du Conservatoire de Paris en 1968, avant dâembrasser une carriĂšre sans fin au théùtre et au cinĂ©ma. Une enfance mouvementĂ©e avec un pĂšre rescapĂ© des interrogatoires de la Gestapo, un frĂšre braqueur puis rangĂ© des voitures pour finir directeur dâIBM Pacifique. On se reconnaĂźt» Un sĂ©ducteur, un amoureux, mais un homme brisĂ© son fils Ferdinand est mort Ă 20 ans, passager dâun conducteur ivre qui avait pris le pĂ©riphĂ©rique parisien Ă contresens. Il a fondĂ© une association qui porte son nom. En tournĂ©e, il croise beaucoup de gens qui viennent lui en parler Je les reconnais tout de suite au milieu des autres. Ils ont vĂ©cu la mĂȘme chose, ils viennent chercher du rĂ©confort. Câest compliquĂ©, il nây a pas forcĂ©ment grand-chose Ă dire, mais cet Ă©change fait du bien. On se reconnaĂźt, on est de la mĂȘme communautĂ©. Câest toujours trĂšs digne, sans laisser-aller ni sentimentalisme.» Lire Ă ce sujet La mort d'un enfant, un sĂ©isme pour les parents Comment fait-on pour rester en vie aprĂšs une telle tragĂ©die? Câest une question quâon lui a posĂ©e cent fois, peut-ĂȘtre mille. Il rĂ©pond La vie est plus forte que tout. La vie pousse, et elle est lĂ mĂȘme si vous nâen voulez plus. Il y a des exutoires beaucoup de gens crĂ©ent des associations parce quâon a envie dâaider les autres, de faire quelque chose pour que ça ne se reproduise pas. Moi, je fais des films et dâautres choses encore pour accompagner Ferdinand le plus loin possible, dans une autre vie. Câest une autre façon de le faire exister.» Ecrit Ă la main Il a Ă©crit La vie est belle Ă la main, sur des cahiers, avant de les dicter Ă Josiane, sa compagne depuis toujours. Sa premiĂšre lectrice et correctrice, un drĂŽle dâexercice pour elle aussi, puisque la vie de Patrick Chesnais a gambadĂ© sur foule de chemins. Une fille avec Josiane, mais aussi deux fils hors mariage. Une situation abordĂ©e du bout de la plume en fin dâouvrage, avec beaucoup de pudeur. A lâoral, les mots sortent doucement eux aussi Je confirme, câest une acrobatie de tous les instants pendant des annĂ©es et des annĂ©es. Câest comme ça. Pourquoi, je nâen sais rien, mais ça a existĂ©, et je suis toujours revenu Ă la femme de ma vie. La vie est un kalĂ©idoscope, mĂȘme si je nâaime pas ce mot, il nâest pas trĂšs heureux.» Dâautres viendront sans doute plus tard, pour nourrir dâautres livres. On nâa pas encore tout appris de la vie de Patrick Chesnais. Profil 1947 Naissance Ă La Garenne-Colombes, dans les Hauts-de-Seine. 1968 Premier prix du Conservatoire de Paris. 1989 CĂ©sar du meilleur acteur pour un second rĂŽle avec La Lectrice», de Michel Deville 2005 Je ne suis pas lĂ pour ĂȘtre aimé», de StĂ©phane BrizĂ©, nomination au CĂ©sar du meilleur acteur pour 2006 2007 Fonde lâassociation Ferdinand, pour lutter contre lâalcool au volant. 2020 La vie est belle, je me tue Ă vous le dire». Retrouvez tous les portraits du Temps».
gloiresoit rendue en dieu.emile. Par shongo lonombe emi, le 23.06.2015 si c'est possible lors de la cueillette il faut bruler la tige avec un briquet afin que la sĂšve reste dans la Par Anonyme, le 07.06.2015 amen que
LâEcclĂ©siaste UN TEMPS POUR TOUT traduit de lâhĂ©breuet commentĂ© par Ernest Renan arlĂ©a PAROLES DE COHĂLET, FILS DE DAVID, ROI DE JĂRUSALEM. I VanitĂ© des vanitĂ©s, disait CohĂ©let ; vanitĂ© des vanitĂ©s ; tout est vanitĂ© ! Quel profit lâhomme retire-t-il des peines quâil se donne sous le soleil ? Une gĂ©nĂ©ration sâen va ; une gĂ©nĂ©ration lui succĂšde ; la terre cependant reste Ă sa place. Le soleil se lĂšve ; le soleil se couche ; puis il regagne en hĂąte le point oĂč il doit se lever de nouveau. TantĂŽt soufflant vers le sud, ensuite passant au nord, le vent tourne, tourne sans cesse, et revient Ă©ternellement sur les cercles quâil a dĂ©jĂ tracĂ©s. Tous les fleuves se jettent dans la mer, et la mer ne regorge pas, et les fleuves reviennent au lieu dâoĂč ils coulent pour couler encore. Tout est difficile Ă expliquer ; lâhomme ne peut rendre compte de rien ; lâĆil ne se rassasie pas Ă force de voir ; lâoreille ne se remplit pas Ă force dâentendre. Ce qui a Ă©tĂ©, câest ce qui sera ; ce qui est arrivĂ© arrivera encore. Rien de nouveau sous le soleil. Quand on vous dit de quelque chose Venez voir, câest du neuf », nâen croyez rien ; la chose dont il sâagit a dĂ©jĂ existĂ© dans les siĂšcles qui nous ont prĂ©cĂ©dĂ©s. Les hommes dâautrefois nâont plus chez nous de mĂ©moire ; les hommes de lâavenir nâen laisseront pas davantage chez ceux qui viendront aprĂšs eux. II Moi, CohĂ©let, jâai Ă©tĂ© roi sur IsraĂ«l, Ă JĂ©rusalem. La premiĂšre application que je fis de mon esprit fut de rechercher et dâexaminer avec soin tout ce qui se passe sous le soleil. Jâarrivai bientĂŽt Ă reconnaĂźtre que câest la pire des occupations que Dieu ait donnĂ©es aux fils dâAdam pour sây user. Ayant vu, en effet, toutes les choses qui se font sous le soleil, je nây trouvai que vanitĂ© et pĂąture de vent. On ne peut redresser ce que Dieu crĂ©a courbe, Ni faire quelque chose avec ce qui nâest pas. Je me disais en moi-mĂȘme Me voilĂ grand ; jâai accumulĂ© plus de science quâaucun de ceux qui ont vĂ©cu avant moi dans JĂ©rusalem ; mon intelligence a vu le fond de toute chose ; jâai appliquĂ© mon esprit Ă connaĂźtre la sagesse et Ă la discerner de la folie. » Jâappris bien vite que cela aussi est pĂąture de vent ; car Qui thĂ©saurise la sagesse ThĂ©saurise aussi la tristesse,Et trop de science entasserCâest mauvaise humeur amasser. III Alors je me dis Ă moi-mĂȘme Voyons, essayons de la joie ; goĂ»tons le plaisir. » Je devais reconnaĂźtre que cela aussi est vanitĂ© ; car bientĂŽt Au rire je dis Folie !»Au plaisir Que me veux-tu ? » Je rĂ©solus, dis-je, en mon cĆur de demander au vin le bien-ĂȘtre de ma chair et, sans renoncer pour cela Ă mes projets de sagesse, dâadhĂ©rer momentanĂ©ment Ă la folie, jusquâĂ ce que jâeusse dĂ©couvert ce qui vaut le mieux pour les fils dâAdam, entre tant dâoccupations diverses auxquelles ils se livrent sous le soleil durant les jours de leur vie. Je fis de grandes Ćuvres ; je me bĂątis des palais ; je me plantai des vignes ; je me construisis des jardins et des parcs ; jây plantai des arbres fruitiers de toute sorte ; je fis creuser des rĂ©servoirs dâeau pour arroser mes bois de haute futaie ; jâachetai des esclaves des deux sexes ; si bien que le nombre des enfants de ma maison, de mes bĆufs et de mes brebis surpassa celui que personne eĂ»t jamais possĂ©dĂ© avant moi Ă JĂ©rusalem. En mĂȘme temps, jâentassai dans mes trĂ©sors lâargent, lâor, lâĂ©pargne des rois et des provinces ; je me procurai des troupes de chanteurs et de chanteuses et toutes les dĂ©lices des fils dâAdam de quelque genre que ce fĂ»t. Ainsi je devins plus grand et jâamassai plus de bien que tous ceux qui avaient Ă©tĂ© avant moi Ă JĂ©rusalem, sans que pour cela ma sagesse mâabandonnĂąt. Et je ne refusai Ă mes yeux rien de ce quâils souhaitĂšrent, je nâinterdis Ă mon cĆur aucune joie. AprĂšs tout, me disais-je, je ne fais que jouir de ce que jâai gagnĂ© par mon travail ; ces plaisirs sont la rĂ©compense des peines que je me suis donnĂ©es. » Puis, mâĂ©tant mis Ă considĂ©rer les Ćuvres de mes mains et les travaux auxquels je mâĂ©tais livrĂ©, je reconnus que tout est vanitĂ© et pĂąture de vent, que rien nâest profit solide sous le soleil. IV Je me pris alors Ă Ă©tudier quelle diffĂ©rence il peut y avoir entre la sagesse dâune part, la folie et la sottise de lâautre. Car, me disais-je, quel homme venant aprĂšs un roi peut refaire les expĂ©riences quâil a faites ? » Je crus dâabord que la supĂ©rioritĂ© de la sagesse sur la sottise est comme la supĂ©rioritĂ© de la lumiĂšre sur les tĂ©nĂšbres. Le sage a des yeux dans sa tĂȘte, Et le fou marche dans la nuit. Or bientĂŽt je vis quâune mĂȘme fin est rĂ©servĂ©e Ă tous les deux. Et je pensai en moi-mĂȘme Si la destinĂ©e qui mâattend est la mĂȘme que celle du fou, que me sert alors dâavoir travaillĂ© sans relĂąche Ă augmenter ma sagesse ? » Et je dis en mon cĆur Encore une vanitĂ©. » Il nây a pas plus de souvenir Ă©ternel pour le sage que pour le fou. Dans ce qui sera le passĂ© des jours Ă venir, tout sera oubliĂ©. Comment se fait-il que le sage et le fou meurent de la mĂȘme maniĂšre ?... Ces rĂ©flexions me firent prendre la vie en haine ; jâeus de lâaversion pour tout ce qui se passe sous le soleil, voyant que tout est vanitĂ© et pĂąture de vent. Et je pris en dĂ©goĂ»t les travaux auxquels je mâĂ©tais livrĂ© sous le soleil, songeant quâil faudrait en laisser le fruit Ă lâhomme qui me succĂ©dera. Or cet homme, qui sait sâil sera sage ou fou ? Et câest cet homme-lĂ qui sera le maĂźtre de tout ce que jâai gagnĂ© par les travaux que jâai menĂ©s Ă fin avec tant de labeur et de sagesse sous le soleil ! Encore une fois, vanitĂ© ! Je me pris donc Ă nâavoir que du dĂ©goĂ»t au cĆur pour tous les travaux auxquels je mâĂ©tais livrĂ© sous le soleil. VoilĂ un homme dont la vie laborieuse a Ă©tĂ© un chef-dâĆuvre de sagesse, de savoir et de bonne fortune, eh bien, il laisse tout ce quâil a gagnĂ©, sa juste part, Ă quelquâun qui nây a Ă©tĂ© pour rien. Quelle vanitĂ© ! Quel abus ! car enfin que revient-il ainsi Ă cet homme-lĂ de toutes les peines et de tous les soucis quâil sâest donnĂ©s sous le soleil ? Ses jours ont Ă©tĂ© pleins dâennui ; lâinquiĂ©tude a Ă©tĂ© son Ă©tat habituel ; mĂȘme la nuit son esprit ne dormait pas. Ă vanitĂ© ! Ne vaut-il donc pas mieux pour lâhomme, manger, boire, goĂ»ter Ă son aise le plaisir conquis au prix de son travail ? Jâarrivai mĂȘme Ă penser que ce genre de bonheur nous vient de la main de Dieu. Si lâon mange, si lâon boit, nâest-ce pas grĂące Ă lui ? Il donne Ă celui qui lui plaĂźt sagesse, intelligence et joie ; Ă celui qui encourt sa disgrĂące il assigne la besogne dâamasser, dâentasser des richesses quâil donne ensuite Ă celui qui lui plaĂźt. Donc, encore une fois VanitĂ© ! pĂąture de vent ! V Il y a temps pour tout, et chaque chose sous le ciel a son heure Temps de naĂźtre et temps de mourir, Temps de tuer, temps de guĂ©rir, Temps de planter, temps de dĂ©truire, Temps de bĂątir, temps dâarracher, Temps de gĂ©mir, temps de danser, Temps de pleurer et temps de dâassembler les blocs, temps de les disperser, Temps dâaimer les baisers et temps de les maudire, Temps de poursuivre un rĂȘve ou de se dâinterdire, Temps dâaimer un objet, temps de le repousser. Temps oĂč lâon coud, oĂč lâon dĂ©chire, Temps oĂč lâon garde, oĂč lâon se tait, Temps oĂč lâon hait, oĂč lâon soupire, Temps de la guerre et temps de paix. Que reste-t-il donc Ă lâhomme, des peines quâil a prises ? Jâai vu toutes les occupations que Dieu a donnĂ©es aux fils dâAdam pour quâils sây abrutissent. Il a fait toute chose bonne Ă son heure ; le monde, il le dĂ©roule devant les hommes, mais de façon que, dâun bout Ă lâautre, ils ne puissent rien comprendre Ă ses desseins. Donc, conclus-je alors, il nây a quâune seule chose bonne pour lâhomme, câest de se rĂ©jouir et de goĂ»ter le bonheur pendant quâil vit. Oui, quand un homme mange, boit, jouit du bien-ĂȘtre acquis par son travail, cela est un don de Dieu. Je vis clairement que tout ce que Dieu a fait restera Ă©ternellement tel quâil lâa fait. Rien nây peut ĂȘtre ajoutĂ© ; on nâen saurait rien retrancher. Tout cela, Dieu lâa fait pour quâon le craigne. Le passĂ© a existĂ© dans un passĂ© antĂ©rieur ; lâavenir a dĂ©jĂ Ă©tĂ© ; Dieu recherche, pour le faire ĂȘtre encore, ce qui semblait avoir fui pour jamais. VI Jâai vu une autre chose sous le soleil câest le mĂ©chant assis au lieu oĂč se rendent les jugements et lâiniquitĂ© trĂŽnant sur le siĂšge de justice. Dieu, me suis-je dit dâabord, jugera le juste et le mĂ©chant ; car il a fixĂ© un temps Ă toute chose. » Mais bientĂŽt jâai reconnu que les enfants dâAdam ne sont pas aussi privilĂ©giĂ©s de Dieu quâils le paraissent et quâils nâont en rĂ©alitĂ© aucune supĂ©rioritĂ© sur lâanimal. Car la destinĂ©e des enfants dâAdam et celle des animaux sont une seule et mĂȘme chose. La mort des uns, câest la mort des autres ; il nây a quâun mĂȘme souffle en tout ; la supĂ©rioritĂ© de lâhomme sur lâanimal nâexiste pas ; tout est vanitĂ©. Tout va vers un mĂȘme lieu. Tout est venu de la poussiĂšre et tout retourne Ă la poussiĂšre. Qui sait si, tandis que le souffle des enfants dâAdam monte en haut, le souffle de lâanimal descend en bas, vers la terre ? Je me confirmai donc dans cette pensĂ©e quâil nây a pour lâhomme quâune seule chose vraiment bonne, câest de jouir lui-mĂȘme du fruit de ses Ćuvres ; câest lĂ son vrai lot en effet, aprĂšs sa mort, qui le ramĂšnera pour voir comment les choses se passeront ? VII Et je me remis Ă observer, et je vis les actes dâoppression qui se passent sous le soleil. Partout des opprimĂ©s baignĂ©s de larmes, et personne pour les consoler ! Des gens suppliant quâon les tire des mains de ceux qui les oppriment, et personne pour les dĂ©livrer Alors je fĂ©licitai les morts et je prĂ©fĂ©rai le sort de ceux qui ont disparu avant nous au sort des vivants dont lâexistence sâest prolongĂ©e jusquâĂ prĂ©sent. Plus heureux que les uns et que les autres me parurent ceux qui nâont jamais existĂ©, puisquâils nâont pas vu les choses qui se passent sous le soleil. Je compris que tout effort, tout succĂšs se rĂ©sume en jalousie, en dĂ©sir de surpasser son semblable. Encore une vanitĂ©, une pĂąture de vent ! LâinsensĂ© se croise les mains Et vit de sa propre substance. Mieux vaut une poignĂ©e de bonheur calme que les deux mains pleines de labeur et de vains soucis. VIII Autre vanitĂ© que jâai vue sous le soleil un homme seul, qui nâa personne pour lui succĂ©der[1], ni fils ni frĂšre, et il travaille tout de mĂȘme sans relĂąche, et son Ćil ne se rassasie pas de voir affluer chez lui les richesses. Eh ! pour qui donc travaillĂ©-je, se dit-il parfois, et privĂ©-je mon Ăąme de tout plaisir ? » Encore une vanitĂ©, une triste chose ! Deux valent mieux quâun ; car, quand deux sont associĂ©s, leur travail a sa rĂ©compense. Si lâun des deux tombe, lâautre le relĂšve ; mais malheur Ă lâhomme seul ! Sâil tombe, il nâa pas de second pour le relever. Si deux sont couchĂ©s ensemble, ils ont chaud ; mais lâhomme seul, comment se rechauffera-t-il ? Quand le brigand sâattaque au voyageur qui a un compagnon, tous deux se rĂ©unissent pour lui tenir tĂȘte. Le fil tressĂ© de trois brins ne se rompt pas vite. IX Mieux vaut un garçon pauvre et avisĂ© quâun vieux roi absurde, qui ne sait plus se laisser Ă©clairer. Tel passe en un moment de la prison au trĂŽne ; Tel est nĂ© misĂ©rable en ses futurs Ă©tats. Jâai vu tout le monde sâempresser Ă la suite du jeune hĂ©ritier qui doit succĂ©der au vieux roi. Infinis ont Ă©tĂ© les maux quâon a soufferts dans le passĂ© ; mais, dans lâavenir, on nâaura pas plus Ă se rĂ©jouir de celui-ci... Toujours vanitĂ© et pĂąture de vent! X Observe bien tes pas quand tu vas Ă la maison de Dieu. Mieux vaut lâobĂ©issance Ă la loi que les sacrifices des sots qui ne savent que faire le mal. RĂ©prime les empressements de ta bouche, et que ton cĆur ne se hĂąte pas de profĂ©rer des promesses en prĂ©sence de Dieu ; car Dieu est dans le ciel, et, toi, tu es sur la terre. Que tes paroles soient donc en petit nombre. Les songes, en effet, viennent Ă tout propos, La voix du sot se perd en un flot de paroles. Quand tu as fait un vĆu Ă Dieu, ne tarde pas Ă lâaccomplir ; Dieu nâaime pas les sots. Acquitte ce que tu as vouĂ© ; mieux vaut ne pas faire de vĆux que dâen faire et de ne pas les accomplir. Ne permets pas Ă ta propre bouche de te constituer pĂ©cheur, et ne te mets pas en situation dâĂȘtre obligĂ© de dire Ă lâenvoyĂ© des prĂȘtres CâĂ©tait une erreur », de peur que Dieu ne sâirrite et quâil nâanĂ©antisse lâĆuvre de tes mains. Tous ces songes nâaboutissent quâĂ un tas de paroles vaines ; crains plutĂŽt Dieu ! XI Si tu vois dans la province le pauvre opprimĂ© et la rapine prendre la place de la justice et du jugement, ne tâen Ă©tonne pas ; câest que les grands sont surveillĂ©s par des grands et quâau-dessus dâeux il y a des grands encore. Lâexcellence de la terre se montre en tout ; le roi mĂȘme est soumis aux champs. Celui qui aime lâargent est insatiable dâargent ; celui qui aime lâopulence nâen goĂ»te pas toujours les fruits. Quelle vanitĂ© encore ! Quand sâaugmente la fortune, se multiplient ceux qui la grugent et le propriĂ©taire nâen tire dâautre avantage que de voir la chose de ses yeux. Doux est le sommeil du laboureur, quâil mange peu ou beaucoup, tandis que la satiĂ©tĂ© ne permet pas au riche de dormir. XII Il y a un travers bizarre que jâai vu sous le soleil câest la richesse quâun possesseur jaloux garde soigneusement pour son hĂ©ritier. Que cette richesse vienne Ă pĂ©rir par quelque accident et le fils quâil a mis au monde a les mains vides. Quant Ă lui, sorti nu du sein de sa mĂšre, il sâen va tel quâil est venu, et il nâest pas une parcelle du fruit de son travail quâil puisse emporter dans sa main. Oui, câest lĂ un travers bizarre. De la mĂȘme façon quâil est venu, il sâen ira... Quel profit lui revient-il dâavoir travaillĂ© pour le vent ? Tous ses jours se sont passĂ©s sombres et tristes ; il a Ă©normĂ©ment peinĂ© ; sa vie nâa Ă©tĂ© quâimpatience. Mon avis est donc que le meilleur parti pour lâhomme est de manger, de boire et de jouir du fruit des peines quâil sâest donnĂ©es sous le soleil, durant le nombre de jours que Dieu lui a comptĂ©. VoilĂ son vrai lot. Toutes les fois que Dieu accorde Ă un homme des richesses, des trĂ©sors, et quâil lui permet dâen goĂ»ter, dâen prendre sa part, de se rĂ©jouir du fruit de son travail, il faut regarder cela comme un don de Dieu. Lâhomme, en effet, cesse de penser Ă la briĂšvetĂ© des jours de sa vie tout le temps que Dieu tient son cĆur en joie. XIII Encore un mal que jâai vu sous le soleil et qui pĂšse lourdement sur lâhumanitĂ©. Câest le cas dâun homme Ă qui Dieu a donnĂ© richesse, trĂ©sors, honneurs, qui ne manque de rien de ce quâil dĂ©sire, et Ă qui Dieu ne permet pas de jouir de sa fortune, si bien quâun Ă©tranger mange le tout Ă sa place. VoilĂ une vanitĂ© et un abus Ă©trange ! Quand mĂȘme un homme donnerait le jour Ă cent fils et quâil vĂ©cĂ»t des annĂ©es aussi nombreuses que lâon voudra, sâil ne goĂ»te aucun plaisir, et quâaprĂšs sa mort il nâait pas de sĂ©pulture, je dis que le sort de lâavorton vaut mieux que le sien. Lâavorton est venu dans le vide, il sâen va dans les tĂ©nĂšbres ; son nom est recouvert Ă jamais par la nuit ; il nâa pas vu le soleil. Mieux vaut son sort que celui de cet homme. Lors mĂȘme quâon vivrait deux fois mille ans, si avec cela on ne jouit dâaucun plaisir, quâest-ce que cela ? Toutes les choses nâaboutissent-elles pas au mĂȘme terme ? XIV Lâhomme ne travaille que pour sa bouche et nâarrive pas encore Ă se rassasier. Quel avantage a le sage sur le fou ? Que revient-il Ă lâhomme modeste qui sâapplique Ă marcher avec sagesse devant les vivants ? Mieux vaut vivre Ă sa guise que de sâextĂ©nuer. Trop de vertu est aussi une vanitĂ©, une pĂąture de vent. Tout ce qui existe est dĂ©terminĂ© avant dâexister; tel ĂȘtre a Ă©tĂ© prĂ©destinĂ© Ă naĂźtre homme ; il ne pourra pas tenir tĂȘte Ă plus fort que lui. XV Il y a une sagesse qui sâen va rĂ©pĂ©tant Ă tout propos VanitĂ© !... quel profit pour lâhomme ?... Qui sait ce qui est bon pour lâhomme durant le petit nombre de jours quâil passe parmi les vivants, jours frivoles qui fuient comme une ombre ?... Qui peut enseigner Ă lâhomme ce qui aprĂšs lui se passera sous le soleil ? » Mieux vaut un bon renom que lâhuile parfumĂ©e ; Mieux vaut le dernier jour que le jour oĂč lâon naĂźt. Mieux vaut aller Ă la maison des pleurs QuâĂ la maison oĂč se donne la fĂȘte A tous la mĂȘme fin sâapprĂȘte; Vivants, rentrez donc en vos cĆurs. Mieux vaut le souci que le rire ;La tristesse du front est bonne pour le cĆur. Le sage toujours pense Ă la maison de deuil; Le fou ne sait rĂȘver quâĂ la maison de joie. Mieux vaut le ton grondeur du sage Que la chanson de lâinsensĂ©. Les rires de lâĂ©cervelĂ© Ressemblent au bruit du feuillage Qui crĂ©pite sous le trĂ©pied. Eh bien, cela aussi est vanitĂ© ; Lâoppression fait dâun sage un fou, Et perd le cĆur le plus vaut la fin que le commencement ; Lâattente rĂ©ussit mieux que lâemportement. Ne sois donc pas prompt Ă tâemporter ; car DĂ©pit, au sein des fous, Ă©lit son domicile. XVI Garde-toi de dire Comment se fait-il que les jours dâautrefois valaient mieux que ceux dâĂ prĂ©sent ? » Une pareille question nâest rien moins que sage. Sagesse vaut richesse pendant quâon voit le soleil. Lâabri que procure la sagesse vaut lâabri que donne lâargent, et la sagesse a un avantage, câest quâelle procure longue vie Ă celui qui la possĂšde. ConsidĂšre lâĆuvre de Dieu ; Qui peut redresserCe quâil a fait courbe ? Au jour du bonheur, sois en joie et, au jour du malheur, considĂšre que Dieu a fait le bien comme le mal ; jouis du prĂ©sent ; lâhomme, en effet, une fois mort, ne trouvera rien aprĂšs lui. XVII Jâai vu tout arriver dans les jours de ma vaine existence. Tel juste pĂ©rit nonobstant sa justice ; et tel scĂ©lĂ©rat coule de longs jours nonobstant sa scĂ©lĂ©ratesse. Ne sois pas trop juste et nâaffecte pas trop de sagesse, de peur dâĂȘtre un niais. Ne sois pas non plus trop mĂ©chant, ne va pas jusquâĂ la folie, de peur que tu ne meures avant le temps. La perfection câest, tout en sâattachant Ă un principe, de ne pas lĂącher le principe opposĂ© ; par la crainte de Dieu on sort de tous les embarras. La sagesse est pour le sage une force supĂ©rieure Ă ce que sont dix capitaines pour une ville. Il nây a pas dâhomme juste sur la terre ; pas un seul qui fasse le bien et ne pĂšche pas. Laisse donc, sans les remarquer, bien des choses qui se disent. Par exemple, quand ton esclave profĂšre des malĂ©dictions contre toi, garde-toi d'entendre ; songe en toi-mĂȘme que souvent aussi il tâest arrivĂ© de profĂ©rer des malĂ©dictions contre les autres. Jâai examinĂ© tout cela en sage, me disant sans cesse Allons, plus de sagesse encore ! » Et voilĂ que la sagesse est toujours restĂ©e loin de moi Qui peut saisir lâobjet que le lointain dĂ©robe ? Qui peut toucher le fond de lâabĂźme sans fond ? XVIII Or, dans cette investigation universelle, dans cette recherche pour trouver ce qui est le parti le plus sage et le plus avisĂ©, dans cet examen qui fit passer devant mes yeux toutes les malices, toutes les insanitĂ©s, toutes les absurditĂ©s, toutes les folies, jâai trouvĂ© quelque chose de plus amer que la mort câest la femme dont le cĆur est un lac, un filet, et dont les mains sont des chaĂźnes. Celui qui plaĂźt Ă Dieu se sauve dâelle ; le disgraciĂ© de Dieu sây laisse prendre. Voyez, ceci est le rĂ©sultat de mon expĂ©rience, dit le CohĂ©let. En les prenant toutes une Ă une, pour dresser la longue liste des choses que jâai cherchĂ©es sans les avoir trouvĂ©es, je crois que jâai bien trouvĂ© un homme sur mille ; mais une femme parmi toutes celles que jâai connues, je nâen ai pas trouvĂ© une seule ! Tenez, voici ce que jâai trouvĂ© câest que Dieu a fait la nature humaine droite, et que ce sont les hommes qui inventent des roueries sans fin. » XIX Oh ! la belle chose quâun sage ! Heureux qui sait le mot de tout !La sagesse dâun homme Ă©claire son visage, Tandis que lâinsolent est bien prĂšs dâĂȘtre un fou. Aie les yeux fixĂ©s sur la bouche du roi, pour lui obĂ©ir, comme si tu en avais prĂȘtĂ© le serment Ă Dieu. Ne sors pas prĂ©cipitamment de sa prĂ©sence ; ne persiste pas avec lui dans des propos dĂ©sagrĂ©ables ; car il fait tout ce quâil veut. Un mot dâun roi, câest une force ; Qui peut lui dire Que fais-tu ? » Celui qui exĂ©cute bien lâordre quâil a reçu ne connaĂźtra pas la disgrĂące. Un esprit sage sait discerner le moment favorable et la maniĂšre de sây prendre ; car, en toute chose, il y a le moment favorable et la maniĂšre de sây prendre. Ce qui rend la condition de lâhomme si mauvaise, câest quâil ignore ce qui doit arriver et que nul ne peut lui indiquer comment les choses se passeront. Personne nâa pouvoir sur le vent pour emprisonner le vent ; personne nâa pouvoir sur le jour de la mort, ni assurance de sâĂ©chapper le jour de la bataille. MĂȘme la richesse, Ă ces moments-lĂ , ne sauve pas toujours son propriĂ©taire. XX Jâai vu tout cela et jâai appliquĂ© ma pensĂ©e aux faits qui arrivent sous le soleil, dans un temps oĂč lâhomme ne domine sur lâhomme que pour lui faire du mal. Ainsi jâai vu des enterrements de scĂ©lĂ©rats. Le convoi est en marche, sâĂ©loigne en procession du lieu saint, et on entend faire lâĂ©loge de ces misĂ©rables dans la ville oĂč ils ont commis leurs mĂ©faits. Encore une vanitĂ© ! Câest parce que prompte justice nâest pas faite du mal que les hommes sont enhardis Ă pratiquer le mal. Tel pĂ©cheur qui a commis cent crimes arrive Ă un Ăąge avancĂ©, et cependant on mâa enseignĂ© que le bonheur est rĂ©servĂ© Ă ceux qui craignent Dieu, pour leur apprendre Ă le craindre ; que le bonheur ne saurait ĂȘtre le partage du mĂ©chant ; que celui-ci ne vit pas longtemps ; que ses jours sont comme une ombre et cela parce quâil ne craint pas Dieu. Est-il un renversement comparable Ă celui-ci des justes qui sont traitĂ©s selon les Ćuvres des mĂ©chants, des mĂ©chants qui sont traitĂ©s selon les Ćuvres des justes ? Encore une vanitĂ© ! », me suis-je dit. Alors jâai chantĂ© un hymne Ă la joie, puisquâil nây a rien de bon pour lâhomme sous le soleil que de manger, de boire, de se rĂ©jouir, et que câest lĂ tout ce qui lui reste des travaux auxquels il sâest livrĂ© durant les jours de vie que Dieu lui a donnĂ©s sous le soleil. Cherchant la vĂ©ritĂ©, poursuivant ma tentative de savoir tout ce qui se passe sur la terre, je vis ainsi les Ćuvres de Dieu passer sous mon regard et je reconnus que lâhomme, quand mĂȘme jour et nuit il refuserait le sommeil Ă ses yeux, ne saurait arriver Ă la comprĂ©hension de ce qui arrive sous le soleil. Non, quelque effort, quelque recherche quâil fasse, il nây arrivera jamais, et tel savant qui prĂ©tend en savoir quelque chose en rĂ©alitĂ© nây comprend rien. XXI J'ai donc rĂ©flĂ©chi Ă tout cela, et le fruit de mes rĂ©flexions a Ă©tĂ© que le sort des justes et des sages, comme celui de tout le monde, est, quoi quâils fassent, dans la main de Dieu. Amour et haine sont Ă©galement frivoles. Lâhomme ne sait rien ; tout ce qui le touche est vanitĂ©. Il nây a, en effet, quâune mĂȘme destinĂ©e pour tous, pour le juste comme pour le mĂ©chant, pour lâhomme vertueux comme pour lâimpie, pour celui qui est pur comme pour celui qui est souillĂ©, pour celui qui sacrifie comme pour celui qui ne sacrifie pas. Le meilleur des hommes est traitĂ© comme le pĂ©cheur, le parjure comme celui qui respecte le serment. VoilĂ le plus grand mal quâil y ait sous le soleil, câest quâil nây ait quâune mĂȘme destinĂ©e pour tous. VoilĂ pourquoi lâĂąme des enfants dâAdam est pleine de mĂ©chancetĂ©. La folie habite leur cĆur pendant leur vie ; aprĂšs cela, ils sâen vont chez les morts. Or cela vaut-il mieux ? Non. Les vivants au moins ont lâespoir. Un chien vivant vaut mieux quâun lion mort. Les vivants savent quâils mourront tandis que les morts ne savent rien. Pour eux, plus de rĂ©compense, car leur mĂ©moire est oubliĂ©e. Leurs amours, leurs haines, leurs rivalitĂ©s ont pĂ©ri depuis longtemps, et il nây a plus dĂ©sormais de part pour eux en tout ce qui se fait sous le soleil. Or sus donc ! mange ton pain en liesse, bois ton vin en bonne humeur, puisque Dieu a fait prospĂ©rer tes affaires. Que toujours tes habits soient blancs, que les parfums ne cessent de couler sur ta tĂȘte. Savoure la vie avec la femme que tu aimes, tous les jours de ce court passage que Dieu tâa donnĂ© dâaccomplir sous le soleil, tous les jours, dis-je, de ta frivole existence ; car voilĂ ton vrai lot, le prix des peines que tu tâes donnĂ©es sous le soleil. Toute affaire qui se prĂ©sente Ă la portĂ©e de ta main, fais-la vite ; car il nây aura ni activitĂ©, ni pensĂ©e, ni savoir, ni sagesse dans le scheol vers lequel se dirigent tous tes pas. XXII Jâai vu encore sous le soleil que, quand il sâagit de course, on ne sâadresse pas au meilleur coureur ; que, quand il sâagit de guerre, on ne fait point appel aux braves ; que le pain nâest pas pour les sages, ni la richesse pour les intelligents, ni la faveur pour ceux qui savent. Les circonstances et le hasard rĂšglent tout et lâhomme ne connaĂźt pas plus lâheure de sa destinĂ©e que les poissons pris dans les rets et les oiseaux pris au piĂšge. Comme eux, les fils dâAdam sont engagĂ©s dans les filets pour lâheure fatale qui tombe sur eux Ă lâimproviste. Voici un exemple de sagesse que jâai vu sous le soleil, et qui mâa paru frappant. Il y avait une petite ville qui comptait trĂšs peu dâhabitants ; un roi puissant marcha contre elle, lâassiĂ©gea et bĂątit autour dâelle de grandes contrevallations. Or il se trouva dans cette ville un pauvre homme sage, et il fit si bien quâil dĂ©livra la ville par sa sagesse. Et maintenant personne ne se souvient de ce pauvre homme. Et je fis deux rĂ©flexions Mieux vaut sagesse Que sagesse du pauvre est vite mĂ©prisĂ©e ; A ses conseils toute oreille est fermĂ©e. XXIII La voix du sage, Ă©coutĂ©e en silence,Vaut mieux que les clameurs du roi des Ă©tourdis. La sagesse vaut mieux que les engins de guerre ; dâun autre cĂŽtĂ© un seul pĂ©cheur suffit pour annuler beaucoup de bien. Une mouche morte gĂąte tout un vase de parfums ; de mĂȘme tout le prix de la sagesse et de la gloire est dĂ©truit par un peu de folie. A droite est le cĆur du sage ;A gauche est le cĆur du sot. Rien quâĂ voir le sot faire un pas sur la route, on voit que la tĂȘte lui fait dĂ©faut ; par sa seule dĂ©marche il dit Ă tout le monde Je suis un sot. » Il faut savoir se tenir. Si la colĂšre du souverain sâallume contre toi, ne quitte pas trop vite ta place ; car, si on se lĂšve trop vite, on donne lieu de croire quâon a commis de grands mĂ©faits. XXIV Il y a un abus que jâai vu sous le soleil et dont les autoritĂ©s sont la cause ; câest quand les gens de rien sont placĂ©s en haut, et que les grands, les notables sont assis en bas. Jâai vu les valets Ă cheval et les princes marcher Ă terre comme des valets. On aura les consĂ©quences. Celui qui creuse une fosse y tombe ; celui qui dĂ©molit une muraille, le serpent le mord. Celui qui taille les pierres est atteint par les Ă©clats ; celui qui fend du bois en reçoit toujours quelque blessure. Un fer Ă©moussĂ©, dont on nâa pas affilĂ© le tranchant, est une force encore ; ainsi la sagesse finit par lâemporter. Quand le serpent mord celui qui le charme, quel beau profit pour le charmeur ! La parole du sage est de grĂące remplie, Et les lĂšvres du sot sont causes de sa mort. Il dĂ©bute par lâineptie ; il finit par la plus triste insanitĂ©. Le niais multiplie les paroles. Lâhomme ne sait pas ce qui a Ă©tĂ© avant lui ; qui donc lui rĂ©vĂ©lerait ce qui aura lieu aprĂšs lui ? Bien sot qui prend pour lui le travail fatigant et nâa pas lâidĂ©e de venir Ă la ville. XXV Malheur Ă toi, pays qui as pour roi un esclave et dont les princes sont Ă table dĂšs le matin ! Heureux pays, au contraire, qui as pour roi un fils dâhomme libre et dont les princes mangent Ă lâheure convenable, pour rĂ©parer leurs forces, non par sensualitĂ©. Le plancher sâeffondre bien viteSur la tĂȘte des nonchalants ;Et la maison fait eau par suite Des bras balants. MisĂ©rables, qui se font un jeu du pain et du vin, faits pour rĂ©jouir honnĂȘtement la vie... Lâargent couvre tout... Sous un tel gouvernement, il faut se dĂ©fier. MĂȘme quand tu es seul avec toi-mĂȘme, ne maugrĂ©e pas contre le roi ; au fond de ta chambre Ă coucher, ne dis pas un mot contre l'homme puissant ; car lâoiseau du ciel pourrait saisir tes paroles et les faire voyager ; la gent ailĂ©e pourrait rapporter ce que tu as dit. XXVI Lance hardiment ta fortune en haute mer ; avec le temps, tu la retrouveras agrandie. Fais-en sept parts et mĂȘme huit ; car tu ne sais pas quel malheur peut tomber sur la terre. Quand le ciel se charge de nuages, câest quâune averse va tomber ; quand lâarbre se couche au midi ou au nord, lâendroit oĂč il tombe, câest lâendroit oĂč il reste. Qui sur le vent trop dĂ©libĂšrePerd le moment dâensemencer ; Qui toujours le ciel considĂšre Manque lâheure de moissonner. De mĂȘme que tu ignores la route que suit le souffle de vie pour arriver aux os de lâembryon dans le sein de la femme enceinte ; de mĂȘme que tu ne sais rien de la façon dont Dieu fait ce quâil fait. SĂšme le matin, et le soir ne laisse pas reposer ta main ; car tu ne sais pas si câest la semaille du matin ou celle du soir qui doit rĂ©ussir, ou si toutes les deux sont Ă©galement bonnes. TrĂšs douce est la lumiĂšre ;Rien nâest bon pour les yeux comme voir le soleil. Si un homme vit de nombreuses annĂ©es, toujours en joie, quâil nâoublie pas que les jours sombres viendront et seront plus nombreux que les jours Ă©coulĂ©s. Tout est vanitĂ©. XXVII RĂ©jouis-toi, jeune homme, durant ta jeunesse, et amuse-toi dans les jours de ton adolescence ; marche dans les voies de ton caprice et selon ce qui te semble agrĂ©able ; mais sache que Dieu te demandera compte de tout cela. Ăcarte le souci de ton cĆur, Ă©pargne toute fatigue Ă ta chair ; hĂąte-toi, car la jeunesse et la fraĂźcheur passent vite. Souviens-toi de ton crĂ©ateur aux jours de ta jeunesse, avant que viennent les jours du mal et quâapprochent les annĂ©es dont tu diras Rien ne mây plaĂźt. » Avant que sâobscurcissent le soleil et la lumiĂšre, la lune et les Ă©toiles, et que les nuages remontent aussitĂŽt aprĂšs lâondĂ©e ; Quand trĂ©buchent les sentinelles Debout sur le seuil du logis ; Quand se voilent les demoiselles Qui regardent par les treillis ; Quand des forts les roideurs flĂ©chissent ; Quand les servantes du moulin, En nombre insuffisant, mollissent Et cessent de broyer le grain ;Quand, chaque jour, on voit se fermer quelque porte, Du cĂŽtĂ© du bazar, entre le monde et soi ;Quand, des bruits du dehors, le vent ne vous apporte Que le cri de la meule et son grincement froid ; Quand du petit oiseau les chansons matinales Dissipent un sommeil venu tardivement ; Quand aux accords charmants des notes virginales SuccĂšde le repos du dĂ©senchantement ; Quand on craint les moindres montĂ©es, Que tout dans le chemin fait peur,Que pour la sauterelle on nâa que des nausĂ©es, Que lâamande est trop dure Ă des dents Ă©brĂ©chĂ©es Et la cĂąpre impuissante Ă rendre la vigueur Signe Ă©vident que dĂ©jĂ lâon sâengageDans le chemin qui mĂšne au manoir Ă©ternel, Et que, dans le bazar, les pleureuses Ă gage BientĂŽt vont commencer leur pas processionnel ; Avant que se rompe le cordon dâargent et que se brise lâampoule dâor, que le seau se disloque sur la fontaine, que la poulie roule dans la citerne et que la poussiĂšre, faisant retour Ă la terre, redevienne ce quâelle Ă©tait dâabord, tandis que le souffle remontera vers Dieu qui lâa donnĂ©. VanitĂ© des vanitĂ©s, disait le CohĂ©let ; tout est vanitĂ©. Et, comme CohĂ©let possĂ©dait, outre cela, des trĂ©sors de sagesse, il continua dâenseigner le peuple ; il pesa, il scruta, il composa encore beaucoup de proverbes. CohĂ©let rechercha les paroles charmantes ; En maĂźtre il Ă©crivit les maximes du vrai. ĂPILOGUE AjoutĂ© Ă une Ă©poque oĂč le livre CohĂ©let fermait le recueil des hagiographes. Les dires des sages Sont des aiguillons, Des clous qui soulagent Les efforts volages De lâattention. Le concile antique Nous les a transmis Comme Ćuvre authentique, Vraiment canonique, Dâun unique esprit. Maintenant câest assez ; lorsquâon tâapportera Dâautres livres, mon fils, ne les accepte pas ; Jamais ne finira la rage dâen Ă©crire ; Mais la chair se fatigue Ă vouloir tous les lire. RĂSUMĂ Tout bien entendu, crains Dieu et observe ses commandements ; car câest lĂ tout lâhomme. Il nây a pas dâacte sur lequel ne doive sâexercer le jugement de Dieu, quâil sâagisse de choses connues ou cachĂ©es, de bien ou de mal. ĂTUDE SUR LâAGE ET LE CARACTĂRE DU LIVRE Dans ce volume, Ă©trange et admirable, que la nation juive a donnĂ© Ă lâhumanitĂ© et que tous les peuples ont appelĂ© la Bible, la pensĂ©e religieuse est tellement dominante quâon est dâabord surpris dây trouver quelques pages profanes. Le Cantique des cantiques prouve, comme on aurait bien pu le supposer a priori, que le vieil IsraĂ«l fut jeune Ă son jour. Un second livre plus singulier, LâEcclĂ©siaste, montre que ce peuple, livrĂ© en apparence tout entier Ă la passion de la justice, ce vengeur ardent de lâhonneur de JĂ©hovah, fut sceptique Ă certaines heures. Jâai essayĂ© de faire connaĂźtre Le Cantique des cantiques et de rĂ©soudre quelques-unes des difficultĂ©s quâil prĂ©sente. Je regarde comme indispensable au tableau que jâai voulu faire de la conscience dâIsraĂ«l, dâexaminer de prĂšs LâEcclĂ©siaste. Le problĂšme est en un sens plus facile. Car, si les obscuritĂ©s de dĂ©tail sont, dans LâEcclĂ©siaste, au moins aussi nombreuses que dans Job et Le Cantique, le caractĂšre gĂ©nĂ©ral et lâĂąge relatif du livre prĂȘtent Ă moins de doutes. Lâouvrage compte certainement entre les plus modernes de la littĂ©rature hĂ©braĂŻque. Quant au caractĂšre sceptique ou Ă©picurien de la composition, on peut incidenter sur le sens prĂ©cis de deux ou trois versets ; mais cela importe peu. Si lâauteur ne sâest pas tenu au scepticisme, il lâa traversĂ© et en a donnĂ© la plus complĂšte, la plus vive, la plus franche thĂ©orie. Or on ne se convertit guĂšre du scepticisme ; on sây endurcit justement par les efforts quâon fait pour en sortir. MĂȘme celui qui rĂ©ussit en apparence Ă y Ă©chapper en garde une empreinte ineffaçable, comme un fond de fiĂšvre mal assoupie et toujours prĂȘte Ă se rĂ©veiller. Le petit livre qui nous occupe porte en tĂȘte un mot bizarre de quatre lettres, QHLT, qui, pris en lui-mĂȘme, nâa pas dâexplication satisfaisante. Câest le nom mĂȘme du personnage qui, dans tout le livre, tient la parole. Le livre, en effet, n'est pas autre chose quâun discours, une sorte de confession, mĂȘlĂ©e de conseils, que lâauteur place dans la bouche dâun certain QHLT, quâil suppose avoir Ă©tĂ© fils de David et roi de JĂ©rusalem[2]. On sâaperçoit bien vite que QHLT nâest quâun mot de passe pour dĂ©signer Salomon. Il y a dâautres exemples de ces noms fictifs dans les livres sapientiaux[3] QHLT, fils de David, a Ă©tĂ© un roi puissant, bĂątisseur, jouisseur, livrĂ© aux femmes, au vin, Ă la sagesse, savant paraboliste, curieux de toutes les choses de la nature. Ce sont lĂ exactement les traits sous lesquels lâhistoire et la lĂ©gende prĂ©sentent Salomon. Nul doute que lâauteur, qui sĂ»rement connaissait Les Proverbes attribuĂ©s aussi Ă Salomon, nâait voulu mettre en scĂšne le successeur de David. Ce roi cĂ©lĂšbre lui a paru un personnage commode pour lâobjet quâil se proposait, câest-Ă -dire pour montrer la vanitĂ© de toute chose. Salomon, ayant vu le sommet de la gloire et de la prospĂ©ritĂ©, a Ă©tĂ© mieux placĂ© que personne pour dĂ©couvrir le creux absolu de tous les mobiles de la vie humaine et la complĂšte frivolitĂ© des opinions qui servent de base Ă la sociĂ©tĂ©. Lâauteur a-t-il voulu, comme tant dâautres, comme lâauteur alexandrin de La Sagesse, par exemple, attribuer un livre de plus Ă Salomon ? LâEcclĂ©siaste est-il un apocryphe, un des Ă©crits de cette vaste littĂ©rature pseudĂ©pigraphe qui, de Judas MacchabĂ©e Ă Barkokeba, nâa cessĂ© de se montrer fĂ©conde en productions variĂ©es ? Pas prĂ©cisĂ©ment. Quand un auteur juif des siĂšcles qui avoisinent notre Ăšre prenait, pour inculquer quelque forte pensĂ©e Ă ses contemporains, le manteau dâun ancien prophĂšte ou dâun homme cĂ©lĂšbre, tel que Moise, HĂ©noch, Baruch, Esdras, il prĂ©tendait bel et bien faire admettre sa prose comme lâĆuvre de ces antiques personnages, et gĂ©nĂ©ralement on le croyait ; car aucune idĂ©e de critique littĂ©raire nâexistait alors. Telle nâest pas tout Ă fait lâintention de notre Ă©crivain. Lâauteur dâapocryphes est toujours un fanatique qui met son amour-propre de cĂŽtĂ© pour lâintĂ©rĂȘt de sa cause. On voit clairement sa tendance et lâopinion pour laquelle il travaille. Lâauteur de LâEcclĂ©siaste, au contraire, serait bien fĂąchĂ© quâon le crĂ»t capable dâun prosĂ©lytisme quelconque. Quoiquâil ne nous ait pas dit son nom, il est loin dâĂȘtre dĂ©tachĂ© de toute prĂ©tention littĂ©raire ; parfois mĂȘme, il se coupe, et abandonne sa fiction dâune maniĂšre qui surprend. A la fin de lâouvrage, aprĂšs les derniers mots quâil met dans la bouche de Salomon, il parle en son nom personnel et se distingue nettement de Salomon. Les versets qui suivent ne font pas partie de lâouvrage mais ils montrent bien que la composition, quand elle parut, ne trompa personne, quâon la tint pour moderne, que le livre en un mot fut pris comme un de ces Ă©crits hagiographiques qui venaient chaque jour sâajouter Ă la Thora et aux anciens prophĂštes, Au lieu de desserrer le vieux volume pour y insĂ©rer le nouvel Ă©crit salomonien Ă la suite des Proverbes, on mit le tard-venu Ă la fin du recueil sacrĂ© oĂč, selon toutes les apparences, il garda longtemps la derniĂšre place. Lâauteur n'est donc pas plus un faussaire que Platon ne lâest dans Le ParmĂ©nide ou dans Le TimĂ©e. Voulant nous donner un morceau de philosophie Ă©lĂ©ate, Platon choisit ParmĂ©nide ; voulant nous donner un morceau de philosophie pythagoricienne, il choisit TimĂ©e, et il leur met dans la bouche des discours conformes aux doctrines de leur Ă©cole. Ainsi fait notre auteur. Salomon n'est pour lui quâun prĂȘte-nom pour des idĂ©es quâil trouve appropriĂ©es au type lĂ©gendaire de lâancien roi de JĂ©rusalem. Il y a plus ce parti pris de mettre ses pensĂ©es pessimistes et sceptiques sous le couvert de Salomon, il y tient fort peu. Il se trahit Ă chaque instant. Le personnage quâil fait parler sâexplique dâabord, en effet, dâune maniĂšre qui convient bien au fils de David. Puis lâauteur laisse lĂ une fiction qui lâeĂ»t entraĂźnĂ© Ă des redites fatigantes et ennuyeuses. A partir du chapitre IV Ă peu prĂšs, il oublie quâil a mis en scĂšne Salomon ; il cesse de prendre sa fable au sĂ©rieux. Câest bien lui qui parle pour son propre compte quand il nous raconte les malheurs quâil a eus avec les femmes, les tristesses de sa vie solitaire, les peines quâil sâest donnĂ©es pour faire fortune, les prĂ©occupations qui lâobsĂšdent en ce qui touche ses hĂ©ritiers. InfidĂšle Ă son propos, il sâexprime dĂ©sormais comme ce quâil est, câest-Ă -dire comme un homme dâaffaire juif, trĂšs prĂ©occupĂ© de ses placements et de ce que deviendra sa fortune aprĂšs lui. Quelques dĂ©veloppements sont absolument dĂ©placĂ©s ou mĂȘme dĂ©nuĂ©s de sens dans la bouche dâun souverain. De telles libertĂ©s de composition sont frĂ©quentes aussi dans Le Livre de Job. Ces grandes et belles Ćuvres antiques se mettent au-dessus de nos chĂ©tifs soucis classiques de vraisemblance. Les personnages sont mĂ©diocrement constants avec eux-mĂȘmes. La prĂ©occupation de la destinĂ©e humaine est si grande chez ces fortes Ăąmes que les mesquines attentions dâunitĂ© et de composition littĂ©raire sortent vite de leur esprit. Leur fiction nâest pour eux quâun jeu, quâun prĂ©texte. Au lieu de dĂ©signer Salomon par son nom, lâauteur, conformĂ©ment Ă un certain goĂ»t du mystĂšre quâaffectent les Ă©crivains parabolistes, le dĂ©signe par les quatre lettres QHLT, qui sont restĂ©es jusquâĂ prĂ©sent inintelligibles. Les voyelles manquent, selon lâusage ; mais il est probable que lâauteur a voulu quâon lise QoHeLeT. Dans un passage du texte[4], la quiescente a Ă©tĂ© introduite entre les deux premiĂšres lettres. DĂšs le IIIe siĂšcle de notre Ăšre, au moins, les Grecs prononçaient KĂŽelĂ©th[5]. Les MassorĂštes ont donc suivi une tradition en ponctuant QoHeLeT, et le traducteur grec a lu Ă©videmment de la mĂȘme maniĂšre, quand il a traduit le mot par EkklĂšsiastĂš s, prĂ©dicateur ». QaHaL, en effet, est lâĂ©quivalent exact du grec Ă©kklĂšsia. On en a conclu que QoHeLeT voudrait dire un harangueur, Ă©kklĂšsiazĂŽn ; puis, par des raisonnements grammaticaux plus complaisants que solides, on croit pouvoir Ă©tablir que QoHeLeT, avec sa forme fĂ©minine, aurait le mĂȘme sens. KohĂ©let serait ainsi une sorte de nom symbolique de Salomon, considĂ©rĂ© en quelque sorte comme prĂ©dicateur et docteur des foules assemblĂ©es. Tout cela est bien peu naturel ; cela sent la mĂ©thode de cette vieille Ă©cole exĂ©gĂ©tique qui, du texte le plus indĂ©chiffrable, mĂȘme le plus corrompu, sâobligeait Ă tirer un sens. Aucun livre nâa moins que le nĂŽtre lâaccent dâune prĂ©dication morale. La forme fĂ©minine est, quoi quâon en dise, une forte objection. Toutes les explications quâon a essayĂ©es du mot QoHeLeT vont se heurter contre de vraies impossibilitĂ©s. On est donc excusable de chercher dâun autre cĂŽtĂ© des solutions plus conformes au vĂ©ritable esprit philologique, au risque de ne pas arriver Ă se satisfaire entiĂšrement. Les HĂ©breux, depuis une Ă©poque fort reculĂ©e, eurent lâhabitude de jouer sur les noms propres et dâappliquer de bizarres combinaisons, dont les principales sont lâalbam et lâatbasch. Toutes deux consistent Ă diviser les vingt-deux lettres en deux registres, quâon fait coĂŻncider, ou en les juxtaposant, ou en les rabattant lâun sur lâautre comme au moyen dâune charniĂšre. Dans le premier systĂšme, la premiĂšre lettre {lâaleph sâĂ©change contre la douziĂšme le lamed, la deuxiĂšme lettre le bet sâĂ©change contre la treiziĂšme le mem. Dans le second systĂšme, la premiĂšre lettre lâaleph sâĂ©change contre la derniĂšre le tav, la seconde lettre le bei sâĂ©change contre la pĂ©nultiĂšme le schin, et ainsi de suite. On a dĂ©jĂ des exemples de ces jeux de lettres dans JĂ©rĂ©mie, câest-Ă -dire environ six cents ans avant JĂ©sus-Christ. Ainsi, par le procĂ©dĂ© de lâatbasch, le nom de Babel BBL devient SSK, le nom de Casdim KSDIM devient LBQMI JĂ©r., xxv, 26 ; Li, 1, 41[6]. Poussant le jeu plus loin encore, on mettait des voyelles aux lettres ainsi groupĂ©es ; on lisait SĂ©saq, Leb qamai, et on cherchait un sens aux syllabes ainsi obtenues par le hasard, absolument comme si, en français, on formait avec les lettres si connues S. G. D. G. un mot sagidog ou sugidag, dont on donnerait lâexplication par les rĂšgles ordinaires de lâĂ©tymologie. Le nom de QHLT ayant juste quatre lettres comme SLMH, nom de Salomon en hĂ©breu, lâidĂ©e que QHLT nâest quâune transformation de SLMH par un procĂ©dĂ© analogue Ă lâalbam ou Ă lâatbasch vient dâelle-mĂȘme Ă lâesprit. Malheureusement on nâobtient rien par cette voie ; les quatre lettres des deux sĂ©ries nâoffrent aucun parallĂ©lisme, et diverses remarques qui sâoffrent dâelles-mĂȘmes Ă lâobservateur mĂȘme superficiel dĂ©couragent tout Ă fait de chercher de ce cĂŽtĂ© le mot de lâĂ©nigme. Une autre source de mots artificiels en hĂ©breu est lâhabitude de former des mots avec les initiales dâautres mots. Ainsi, au moyen Ăąge, Maimonide Rabbi MosĂ© Ben Maimon sâappelle Rambam ; le cĂ©lĂšbre rabbin de Troyes, Rabbi Schelomo Ishaki, sâappelle Raschi. Dans la Bible, on peut supposer que le mot inexplicable sĂ©la, qui est caractĂ©ristique du livre des Psaumes et que les traducteurs grecs rendent par diopsalma, vient dâun procĂ©dĂ© analogue. Le mot de QHLT a-t-il Ă©tĂ© formĂ© de la sorte ? Il est impossible de le dire. Ces sortes de sigles, en effet, sont indĂ©chiffrables, quand on nâen possĂšde pas lâexplication. Câest un problĂšme indĂ©terminĂ©, susceptible dâun nombre de solutions presque infini. Si, dans deux mille ans, des textes n'apprennent pas le sens de S. G. D. G., on ne devinera jamais que cela veut dire Sans garantie du gouvernement. » Le Liban offre de ceci un curieux exemple. Toutes les faces de rochers un peu planes de la rĂ©gion du haut Liban portent la formule AGIVCP, rĂ©pĂ©tĂ©e des centaines de fois. Dans trois ou quatre endroits, jâai trouvĂ© la leçon complĂšte ARBORVM GENERA IV CETERA PRIVATA[7] dâoĂč il rĂ©sulte quâil sâagit lĂ de coupes dâarbres et des essences rĂ©servĂ©es Ă la flotte. Certainement, sans la dĂ©couverte de la leçon complĂšte, on nâeĂ»t jamais soupçonnĂ© une chose aussi particuliĂšre. Nous inclinons donc Ă croire que les quatre lettres QHLT ne formĂšrent pas Ă lâorigine un mot vĂ©ritable. Mais, le mot une fois formĂ©, lâauteur lâa considĂ©rĂ© comme une dĂ©signation substantive, puisque, dans deux cas, le groupe QHLT est prĂ©cĂ©dĂ© de lâarticle. La poĂ©sie parabolique aimait ces Ă©nigmes. Les deux petits poĂšmes moraux intercalĂ©s dans le livre des Proverbes ch. XXX et XXXI commencent Ă©galement par des noms propres qui sont restĂ©s jusquâĂ prĂ©sent des logogriphes indĂ©chiffrĂ©s. LâEcclĂ©siaste passait autrefois pour le livre le plus obscur de la Bible. Câest lĂ une opinion de thĂ©ologiens, tout Ă fait fausse en rĂ©alitĂ©. Le livre, dans son ensemble, est trĂšs clair ; seulement les thĂ©ologiens avaient un intĂ©rĂȘt majeur Ă le trouver obscur. Une foule de passages nous embarrassent, parce que le texte est corrompu et que la langue forme, dans lâensemble de la littĂ©rature hĂ©braĂŻque, une sorte dâĂźlot Ă part. Mais ces difficultĂ©s atteignent seulement les accessoires et les digressions, dont souvent on ne voit pas le lien avec le sujet principal. Joignons-y des allusions Ă des Ă©vĂ©nements politiques et Ă des sectes religieuses que nous ne connaissons pas. Quant Ă la philosophie gĂ©nĂ©rale de lâouvrage, elle est trĂšs simple. Lâauteur revient sur sa pensĂ©e avec une insistance qui peut sembler fastidieuse, mais qui ne laisse rien Ă dĂ©sirer sous le rapport de la nettetĂ©. Tout est vanitĂ©. » Tel est le rĂ©sumĂ©, vingt fois rĂ©pĂ©tĂ©, de lâouvrage. Le livre se compose dâune suite de petits paragraphes, dont chacun contient une observation, une façon dâenvisager la vie humaine, dont la conclusion est lâuniverselle frivolitĂ©. Cette conclusion, lâauteur la tire des expĂ©riences les plus diverses. Il sây complaĂźt ; il en fait le rythme et le refrain de sa pensĂ©e. Le monde prĂ©sente Ă ses yeux une sĂ©rie de phĂ©nomĂšnes, toujours les mĂȘmes et roulant les uns aprĂšs les autres dans une sorte de cercle. Nul progrĂšs. Le passĂ© a ressemblĂ© au prĂ©sent ; le prĂ©sent ressemble Ă ce que sera lâavenir. Le prĂ©sent est mauvais, le passĂ© ne valait pas mieux, lâavenir ne sera pas prĂ©fĂ©rable. Toute tentative pour amĂ©liorer les choses humaines est chimĂ©rique, lâhomme Ă©tant incurablement bornĂ© dans ses facultĂ©s et sa destinĂ©e. Lâabus est Ă©ternel ; le mal quâon avait cru supprimĂ© reparaĂźt sur-le-champ, plus envenimĂ© quâavant sa suppression. Lâauteur nous assure avoir fait lâexpĂ©rience de toutes les occupations de la vie, et prĂ©tend les avoir trouvĂ©es vaines. Le plaisir, le pouvoir, le luxe, les femmes, ne laissent que regrets aprĂšs eux. La science ne sert quâĂ fatiguer lâesprit ; lâhomme ne sait rien et ne saura jamais rien. La femme est un ĂȘtre absurde, un mauvais gĂ©nie. La consĂ©quence serait de rester cĂ©libataire. Lâauteur y a bien pensĂ©, mais quoi !... Le cĂ©libataire est un niais, puisquâil thĂ©saurise pour des hĂ©ritiers quâil ne connaĂźt pas, et qui ne tiendront pas de lui le moindre compte. Lâauteur se rabat alors sur l'amitiĂ© ; lĂ , du moins, il paraĂźt avoir Ă©prouvĂ© quelque douceur. Mais comment trouver la paix dans un monde oĂč la loi morale commande le bien et oĂč tout semble fait exprĂšs pour encourager le mal ? Le crime est une folie sans doute ; mais la sagesse et la piĂ©tĂ© ne sont nullement rĂ©compensĂ©es. Tel scĂ©lĂ©rat est honorĂ© comme devrait lâĂȘtre lâhomme vertueux. Tel homme vertueux est accablĂ© dâinfortunes comme devrait lâĂȘtre le scĂ©lĂ©rat. La sociĂ©tĂ© est mal faite ; les hommes ne sont pas Ă leur place ; les rois sont Ă©goĂŻstes et mĂ©chants ; les juges, pervers ; les peuples, ingrats et oublieux. Quelle est donc la vraie sagesse pratique ? Jouir doucement de la fortune quâon a acquise par son travail ; vivre heureux avec la femme quâon a aimĂ©e jeune ; Ă©viter les excĂšs de toute sorte ; ne pas ĂȘtre trop sage ni sâimaginer quâen sâextĂ©nuant dâefforts on triomphera de la destinĂ©e ; ne pas non plus sâabandonner Ă la folie, car elle est presque toujours punie ; ne pas ĂȘtre trop riche la grande richesse ne donne que souci ; ne pas ĂȘtre pauvre, car le pauvre est mĂ©prisĂ© ; accepter les prĂ©jugĂ©s du monde tels quâils existent, sans les combattre et sans chercher Ă les rĂ©former ; en tout, pratiquer une philosophie modĂ©rĂ©e et de juste milieu, sans zĂšle, sans mysticisme. Un galant homme, exempt de prĂ©jugĂ©s, bon et gĂ©nĂ©reux au fond, mais dĂ©couragĂ© par la bassesse du temps et les tristes conditions de la vie humaine, voilĂ notre auteur. Il serait hĂ©ros volontiers ; mais, vraiment, Dieu rĂ©compense si peu lâhĂ©roĂŻsme, que lâon se demande si ce nâest pas aller contre ses intentions que de prendre les choses par ce biais. Une telle doctrine, chez un Grec et chez nous, passerait pour l'impiĂ©tĂ© mĂȘme, et serait intimement associĂ©e Ă la nĂ©gation de la DivinitĂ©. Il nâen est rien chez notre auteur. Cette doctrine est celle d'un juif consĂ©quent. Lâauteur est loin dâĂȘtre un des insensĂ©s qui disent Dieu nâest pas. » On peut le trouver sceptique, matĂ©rialiste, fataliste, pessimiste surtout ; ce que sĂ»rement il nâest pas, câest athĂ©e. Nier Dieu, pour lui, ce serait nier le monde, ce serait la folie mĂȘme. Sâil pĂšche, câest parce quâil fait Dieu trop grand et lâhomme trop petit. Dieu a créé le monde pour montrer sa puissance ; il crĂ©e perpĂ©tuellement toute vie ; les fins quâil sâest proposĂ©es dans la crĂ©ation de lâunivers et de lâhomme sont impĂ©nĂ©trables. Mais comment ne pas sâincliner devant un ĂȘtre si puissant ? Sâil donne la vie Ă lâhomme, il la lui ĂŽte aussi. Il punit quelquefois, et il est des mauvaises actions dont la simple prudence ordonne de sâabstenir. La punition dâailleurs, en certains cas, est une sorte de loi naturelle. Les plaisirs de la jeunesse, par exemple, on les expie plus tard par des infirmitĂ©s ; ce qui nâest pas cependant une raison pour se les interdire tout Ă fait. Dieu juge lâhomme, mais dâaprĂšs des principes peu saisissables. Dans la plupart des cas, il est impossible de discerner son action et de voir sa main. En somme, Dieu sâintĂ©resse peu Ă lâhomme, puisquâil lâa mis dans la situation la plus fausse, en lui donnant les prĂ©occupations de la sagesse avec une destinĂ©e finie, la mĂȘme pour le fou et pour le sage, pour lâhomme et pour lâanimal, et cela dans une sociĂ©tĂ© oĂč les choses sont au rebours de la justice et de la raison. Il faut donc, avec tout le monde, aller au temple et pratiquer le culte Ă©tabli ; mais ici, comme en toute chose, il faut Ă©viter lâexcĂšs. On importune Dieu par des vĆux trop rĂ©pĂ©tĂ©s ; on donne aux prĂȘtres des droits sur soi ; craindre Dieu, voilĂ le culte vĂ©ritable. Les dĂ©vots sont les plus insupportables des sots. Lâimpie est un fou ; il brave Dieu, il sâexpose au danger le plus terrible ; mais le piĂ©tiste est un nigaud, qui assomme Dieu par ses priĂšres et lui dĂ©plaĂźt en croyant lâhonorer[8]. Il est clair que les impĂ©nĂ©trables obscuritĂ©s dont le gouvernement du monde est entourĂ© aux yeux de notre auteur seraient dissipĂ©es, si CohĂ©let avait la moindre notion dâune vie Ă venir. A cet Ă©gard, ses idĂ©es sont celles de tous les juifs Ă©clairĂ©s. La mort termine la vie consciente pour lâindividu. La pĂąle et morne existence des refaĂŻm qui prĂ©occupait les gens crĂ©dules, surtout les superstitieux ChananĂ©ens, nâa aucune signification morale. On ne sent pas dans le scheol. La mort de lâhomme et celle de lâanimal sont une seule et mĂȘme chose. La vie, chez lâhomme et chez lâanimal, vient du souffle de Dieu, qui soulĂšve et pĂ©nĂštre la matiĂšre par des voies mystĂ©rieuses. Il nây a quâun seul souffle en toute chose. » A la mort, le souffle divin se sĂ©pare de la matiĂšre ; le corps revient Ă la terre, dâoĂč il a Ă©tĂ© pris, et lâesprit remonte Ă Dieu, dâoĂč il Ă©tait Ă©manĂ©. Pendant quelque temps, il reste un souvenir qui continue l'existence de lâhomme parmi ses semblables ; puis ce souvenir disparaĂźt, et alors câest fini. Beaucoup de juifs, pour Ă©chapper Ă ce quâune aussi courte destinĂ©e a dâattristant, disaient que lâhomme se survit dans ses enfants ; Ă dĂ©faut dâenfants, on consolait lâeunuque en lui promettant un cippe funĂšbre[9] qui perpĂ©tuerait sa mĂ©moire dans sa tribu. CohĂ©let est peu sensible Ă ces consolations enfantines. Lâhomme une fois mort, sa mĂ©moire disparaĂźt, et câest comme sâil nâavait jamais Ă©tĂ©. Certes, nous Ă©tonnerions fort le charmant Ă©crivain qui nous a laissĂ© cette dĂ©licieuse fantaisie philosophique, si nous cherchions Ă construire avec son Ă©crit un symbole de foi bien arrĂȘtĂ©. Il est encore un mal, nous dirait-il, que jâai vu sous le soleil, et qui est peut-ĂȘtre le plus grand de tous, câest la prĂ©somption de lâesprit, qui veut expliquer lâunivers en quatre paroles, enfermer le bleu du ciel dans un lĂ©cythe, faire tenir lâinfini dans un cadre de trois doigts. Malheur Ă qui ne se contredit pas au moins une fois par jour ! » On ne fut jamais plus Ă©loignĂ© du pĂ©dantisme que lâauteur de lâEcclĂ©siaste. La vue claire dâune vĂ©ritĂ© ne lâempĂȘche pas de voir, tout de suite aprĂšs, la vĂ©ritĂ© contraire, avec la mĂȘme clartĂ©. Le relĂąchement absolu des mobiles de la vie nâempĂȘche pas chez lui un goĂ»t vif des plaisirs de la vie. DouĂ© dâun profond sentiment de justice, il se rĂ©volte contre ce que la destinĂ©e humaine a dâabsurde aux yeux de la morale. Mais quây faire ? Le monde a de bonnes heures. Pourquoi ne pas les cueillir, tout en sachant bien que lâon paiera plus tard la joie quâon a goĂ»tĂ©e. Amuse-toi, jeune homme ; mais ne tây trompe pas ; il nâest pas un de tes plaisirs que tu ne doives expier un jour par autant de regrets. La vie la plus heureuse a comme revers les annĂ©es de la vieillesse, oĂč lâhomme voit finir peu Ă peu tous ses rapports avec le monde et se clore tous ses moyens de jouir. ArrivĂ© ainsi au comble de la tristesse, lâauteur, par un des tours de force les plus originaux quâil y ait dans aucune littĂ©rature, entame cette description de la vieillesse, pleine dâĂ©nigmes et dâallusions, qui ressemble aux Ă©blouissantes passes dâun prestidigitateur jonglant avec des tĂȘtes de mort. Ătonnant artiste, il maintient jusquâau bout sa gageure, effleurant avec lâadresse de lâĂ©quilibriste les cimes des mots et des idĂ©es, faisant grincer de son archet les fibres quâil a cruellement excitĂ©es, Ă©largissant Ă plaisir les blessures quâil sâest portĂ©es, irritant avec dĂ©lices les lĂšvres de sa plaie. Et, avec cela, nous lâaimons, car il a vraiment touchĂ© toutes nos douleurs. Il y a bien peu de choses quâil nâait vues. Certes il est heureux quâĂ cĂŽtĂ© de lui il y ait eu ZĂ©non et ĂpictĂšte. Mais aucun Grec mieux que ce sadducĂ©en ne comprit lâĂ©trangetĂ© de notre sort. Lâauteur de lâEcclĂ©siaste, câest lâauteur du Livre de Job, ayant vĂ©cu six ou sept cents ans de plus. La plainte Ă©loquente et terrible de lâantique livre hĂ©breu, les objurgations presque blasphĂ©matoires du vieux patriarche sont devenues le badinage tristement rĂ©signĂ© dâun lettrĂ© mondain. Bien plus religieux au fond, l'auteur de Job est autrement hardi dans son langage. Cohelet n'a plus mĂȘme la force de sâindigner contre Dieu. Câest si inutile ! Comme Job, il sâincline devant une puissance inconnue, dont les actes ne relĂšvent dâaucune raison apprĂ©ciable. Mais il se console, et, si les femmes Ă©taient un peu moins trompeuses, les juges un peu moins corrompus, les hĂ©ritiers un peu moins ingrats, les gouvernants un peu plus sĂ©rieux, il se rĂ©concilierait avec la vie et consentirait Ă trouver quâil est fort doux, mĂȘme au prix de la perspective dâune vieillesse maussade, de jouir tranquillement, avec une femme aimĂ©e, de la fortune quâon a su amasser par son intelligence. Lâauteur dit trop de mal des femmes pour ne les avoir pas beaucoup aimĂ©es. A la façon dont il en parle, on sent quâil ne faudrait pas grand-chose pour quâil recommençùt Ă les aimer. Il nâest pas si dĂ©goĂ»tĂ© de la vie quâil n'ait de bons conseils pratiques Ă donner, sur la maniĂšre de se bien tenir Ă la cour, sur les prĂ©cautions Ă prendre avec les prĂȘtres, sur le bon emploi de ses fonds et sur la maniĂšre de distribuer ses placements de maniĂšre Ă ne pas tout perdre Ă la fois. Cette philosophie, singuliĂšrement fatiguĂ©e, nâĂ©tait pas neuve en IsraĂ«l câĂ©tait celle de tous les gens calmes et sensĂ©s, qui nâĂ©taient ni prophĂštes, ni zĂ©lotes, ni sectateurs plus ou moins fanatiques dâun royaume de Dieu. Le peuple juif est Ă la fois le peuple le plus religieux et celui qui a eu la religion la plus simple. Câest le peuple de Dieu, et ce nâest pas tout Ă fait sans raison que lâantiquitĂ© lâappela le peuple athĂ©e[10]. LâEcclĂ©siaste ne nous montre aucun pouvoir dogmatique Ă©tabli, aucun catĂ©chisme religieux, pas de prĂȘtres enseignants, nulle idĂ©e de prophĂštes. Craindre, câest-Ă -dire respecter Dieu, voilĂ tout ; le reste nâest quâerreur dâesprits Ă©troits, mĂ©connaissance des rapports de lâhomme avec lâĂternel. Câest la gloire du peuple dâIsraĂ«l dâavoir le premier aperçu la vanitĂ© de la superstition et des chimĂšres religieuses. DĂšs une Ă©poque quâon ne peut calculer, lâancĂȘtre des IsraĂ©lites a vu la folie de lâidolĂątrie, des divinitĂ©s locales et multiples, des grandes imaginations sur la vie dâoutre-tombe. Quand un IsraĂ©lite parcourait lâĂgypte, visitait les syringes de ThĂšbes, les memnonia, les hypogĂ©es du SĂ©rapeum, ces maisons des morts si supĂ©rieures Ă celles des vivants, le sentiment quâil Ă©prouvait Ă©tait celui de la pitiĂ© quâinspire la vue de lâabsurde. Dieu lui apparaissait alors grand, unique, se riant des hommes et de leurs folies. La premiĂšre de ces folies Ă©tait Ă ses yeux la prĂ©tention Ă lâimmortalitĂ©. Dieu seul dure[11] », telle a toujours Ă©tĂ© la base fondamentale de la thĂ©ologie sĂ©mitique, monothĂ©iste. Lâhomme est un ĂȘtre passager, et le pire acte dâorgueil de sa part serait de sâĂ©galer Ă Dieu, en sâattribuant lâĂ©ternitĂ©. Le Pharaon qui se bĂątit des pyramides en vue dâune existence indĂ©finie, loin dâĂȘtre considĂ©rĂ© par le sage IsraĂ©lite comme un homme religieux, lui faisait lâeffet dâun impie. La croyance Ă lâimmortalitĂ©, loin de lui sembler pieuse, lui paraissait une injure Ă Dieu et au bon sens. Le peuple, comme tous les ĂȘtres instinctifs de tous les temps, croyait aux refaĂŻm, aux revenants ; il y avait des sorciers et des sorciĂšres qui prĂ©tendaient Ă©voquer les ombres et les faire parler. Si les sages dâIsraĂ«l eussent laissĂ© faire le peuple, celui-ci, avec le scheol et les refaĂŻm, se fĂ»t créé un enfer et une mythologie comme tous les autres peuples. Mais les sages furent assez forts pour Ă©touffer ces rĂȘves en leur germe. Dans le scheol, on ne sent rien, on ne sait rien, on ne voit rien. Les refaĂŻm sont un nĂ©ant ; ils ne louent pas Dieu. Une fois que le souffle de la vie est remontĂ© Ă Dieu qui lâavait donnĂ©, le corps se dĂ©compose et revient Ă la terre[12] » Câest ici le point de vue oĂč il faut se placer pour bien apercevoir lâopposition profonde du systĂšme aryen et du systĂšme sĂ©mitique, ainsi que le secret de la divergence absolue de ces deux grandes races en fait de religion. Dans le systĂšme aryen, les pitris, les ancĂȘtres, sont des dieux ; ils sont immortels ; ils existent par eux-mĂȘmes Ă la face des autres dieux. Dans le systĂšme sĂ©mitique, une telle conception est lâimpiĂ©tĂ© par excellence. Un seul ĂȘtre existe Ă©ternellement câest Dieu. L'homme est une crĂ©ature essentiellement mortelle. Supposer que quelqu'un est Ă©ternel devant Dieu, câest diminuer Dieu, c'est placer hors de lui des ĂȘtres indĂ©pendants de lui. Jusque-lĂ , le systĂšme est vrai et logique. Le point oĂč le SĂ©mite sâengage dans dâinsolubles difficultĂ©s, câest quand il affirme, non seulement que Dieu est grand, mais quâen mĂȘme temps il est juste, quâil commande le bien et dĂ©fend le mal, rĂ©compense le bien, punit le mal. Ici commençaient les objections sans issue. Le juste Ă©tant le favori de Dieu, lâhomme injuste Ă©tant lâobjet de sa haine et de son dĂ©goĂ»t, comment se fait-il que souvent le juste soit malheureux, persĂ©cutĂ© ? Comment se fait-il que le mĂ©chant prospĂšre et soit, aprĂšs sa mort, conduit au tombeau avec toutes les marques de lâhonorabilitĂ© ? VoilĂ le problĂšme qui, depuis mille ans peut-ĂȘtre avant JĂ©sus-Christ jusquâen plein moyen Ăąge, nâa jamais cessĂ© de troubler IsraĂ«l. Et certes il y avait de quoi. Lâantinomie que les sages dâIsraĂ«l cherchent Ă dissimuler le plus quâils peuvent est de celles qui crĂšvent les yeux. La nature est lâinjustice mĂȘme ; la sociĂ©tĂ©, reflet de la nature, est, malgrĂ© les trĂšs petites rĂ©parations exercĂ©es par le sentiment de droiture qui est en l'homme, un tissu dâerreurs et de violations de la justice. Sâil nây a pas une autre vie pour rĂ©parer les iniquitĂ©s de celle-ci, soutenir que Dieu est juste et ami du bien est le plus puĂ©ril des paradoxes ou la plus niaise des contrevĂ©ritĂ©s. VoilĂ l'idĂ©e mĂšre, on peut le dire, de tout le mouvement hĂ©braĂŻque, la cause inspiratrice de toutes les rĂ©volutions qui se sont produites dans le sein du peuple dâIsraĂ«l. Les sages de la vieille Ă©cole soutenaient avec une imperturbable naĂŻvetĂ© que la vertu est toujours ici-bas rĂ©compensĂ©e et le vice puni. LâadversitĂ© qui frappe lâhomme de bien nâest quâune Ă©preuve passagĂšre. Telle est la thĂ©orie qui fait le fond du Livre de Job, des Proverbes, de beaucoup de psaumes, de la Sagesse de JĂ©sus fils de Sirach, du Livre dâEsther, de Judith, de Tobie, etc. Les prophĂštes et certains psalmistes nâont pas une sagesse tout Ă fait aussi calme. Lâauteur du psaume LXXIII Vulg. LXXII, verset 3 Ă©prouve des mouvements de jalousie fĂ©roce en voyant la paix des pĂ©cheurs ». Ces pieux zĂ©lotes sont pris dâaccĂšs de rage Ă la vue des choses humaines. La prospĂ©ritĂ© des mĂ©chants les irrite et les porte Ă des appels dĂ©sespĂ©rĂ©s. Dieu sommeille ; mais Dieu aura son jour, ses grandes assises en quelque sorte, oĂč il redressera le monde et mettra tout dans le droit chemin. Le jour de JĂ©hovah » devient ainsi le point de mire de la conscience froissĂ©e dâIsraĂ«l. Le monde actuel est lâinjustice mĂȘme ; mais la justice existera un jour. Il y aura un rĂšgne de Dieu, qui sera le rĂšgne des saints, le rĂšgne de l'idĂ©al juif sur un monde renouvelĂ©. La crise extraordinaire du temps des MacchabĂ©es vint donner Ă cette conviction les formes messianiques et apocalyptiques. La rĂ©surrection Ă©tait devenue nĂ©cessaire. Ces martyrs qui souffrent la mort la plus cruelle pour rester fidĂšles Ă la Thora, comment soutenir quâils ont leur rĂ©munĂ©ration ici-bas ? Une rĂ©compense spĂ©ciale est conçue pour les martyrs. Pendant mille ans, ils rĂ©gneront avec le Messie dans une JĂ©rusalem dâor et de pierreries, devenue le centre du monde. Les tristesses que devraient amener chez ces Ă©lus lâapproche de lâan 999 ne viennent jamais Ă lâesprit des faiseurs dâapocalypses. LâidĂ©e dâune destinĂ©e infinie pour lâhomme nâentre guĂšre dans une tĂȘte juive. Mille ans, câest bien long. Franchement, les martyrs, au bout de ce temps, devront ĂȘtre rassasiĂ©s de jours ». Le christianisme fut la consĂ©quence de cette exaltation extrĂȘme, qui, depuis les temps dâAntiochus Ăpiphane, bouillonnait en quelque sorte dans la conscience dâIsraĂ«l. LâespĂ©rance chrĂ©tienne nâest dâabord que le rĂšgne de mille ans. Un siĂšcle aprĂšs JĂ©sus, les chrĂ©tiens les plus orthodoxes dĂ©clarent encore que leur conviction est que le rĂšgne de la justice se rĂ©alisera sur la terre[13] ». Mais le christianisme, nĂ© au sein dâIsraĂ«l, se dĂ©veloppe hors dâIsraĂ«l, De plus en plus, les docteurs chrĂ©tiens placent le royaume de Dieu dans lâidĂ©al. Avec la philosophie grecque, dâailleurs, le dogme de lâimmortalitĂ© de lâĂąme sâintroduit dans lâĂglise et sâassocie tant bien que mal Ă celui de la rĂ©surrection des corps. La solution du problĂšme juif est trouvĂ©e. La rĂ©paration des injustices de ce monde se fait dans un autre. Lâexplication des bizarreries apparentes du gouvernement de la Providence est simple comme le jour. Dieu laisse en ce monde une part de mal pour exercer les justes ; mais ce monde nâest rien ; le chrĂ©tien nâexiste qu'en vue du royaume Ă venir. Au lieu de la colĂšre ardente que les iniquitĂ©s du monde inspirent au vrai prophĂšte juif, le chrĂ©tien nâĂ©prouve quâune rĂ©signation Ă peine mĂ©ritoire. Il a pour lui lâĂ©ternitĂ©[14]. Cette solution, qui ne triompha quâen rompant avec les principes les plus arrĂȘtĂ©s du judaĂŻsme, nâentraĂźna nullement la masse dâIsraĂ«l. Les grands rĂ©voltĂ©s de lâan 70, les Ă©nergumĂšnes du temps dâAdrien, lâauteur du Livre de Judith, celui du Livre de Tobie, sont fidĂšles Ă lâancienne philosophie. Dans le Talmud, le problĂšme reste en suspens. Beaucoup de docteurs talmudiques croient au royaume de Dieu et Ă la rĂ©surrection comme des chrĂ©tiens ; la plupart ne sortent pas de lâancien systĂšme. Ces martyrs du moyen Ăąge que le fanatisme chrĂ©tien empile sur les bĂ»chers ne croient pas tous Ă lâimmortalitĂ© de lâĂąme. Tel saint de Mayence, en allant au supplice, invente Ă sa charge tous les crimes imaginables et sâen accuse pour justifier la Providence, pour maintenir ce principe fondamental que Dieu ne saurait finalement abandonner son serviteur. JusquâĂ nos jours, cette pĂ©nombre fait la force des grandes Ăąmes IsraĂ©lites. Le juif nâest pas rĂ©signĂ© comme le chrĂ©tien. Pour le chrĂ©tien, la pauvretĂ©, lâhumilitĂ© sont des vertus ; pour le juif, ce sont des malheurs, dont il faut se dĂ©fendre. Les abus, les violences, qui trouvent le chrĂ©tien calme, rĂ©voltent le juif, et câest ainsi que lâĂ©lĂ©ment israĂ©lite est devenu, de notre temps, dans tous les pays qui le possĂšdent, un grand Ă©lĂ©ment de rĂ©forme et de progrĂšs. Le saint-simonisme et le mysticisme industriel et financier de nos jours sont sortis pour une moitiĂ© du judaĂŻsme. Dans les mouvements rĂ©volutionnaires français, lâĂ©lĂ©ment juif a un rĂŽle capital. Câest ici-bas quâil fait rĂ©aliser le plus de justice possible. La tikva juive, la confiance », cette assurance que la destinĂ©e de lâhomme ne saurait ĂȘtre frivole et quâun brillant avenir de lumiĂšre attend lâhumanitĂ©, n'est pas lâespĂ©rance ascĂ©tique dâun paradis contraire Ă la nature de lâhomme ; câest lâoptimisme philosophique, fondĂ© sur un acte de foi invincible dans la rĂ©alitĂ© du bien. CohĂ©let a sa place dĂ©finie dans cette histoire du long combat de la conscience juive contre l'iniquitĂ© du monde. Il reprĂ©sente une pause dans la lutte. Chez lui, pas une trace de messianisme ni de rĂ©surrection, ni de fanatisme religieux, ni de patriotisme, ni dâestime particuliĂšre pour sa race. Il nây a rien aprĂšs la mort. Le jour de JĂ©hovah ne vient jamais ; Dieu est au ciel ; il ne rĂ©gnera jamais sur la terre. CohĂ©let voit lâinutilitĂ© des tentatives pour concilier la justice de Dieu avec le train du monde. Il en prend son parti. Une fois que l'homme a rempli ses devoirs Ă©lĂ©mentaires envers son crĂ©ateur, il nâa plus quâĂ vivre en paix, jouissant Ă son aise de la fortune quâil a honnĂȘtement acquise, attendant tranquillement la vieillesse, la dĂ©crivant en jolies phrases. Le tempĂ©rament fin et voluptueux de lâauteur montre quâil avait pour se consoler de sa philosophie pessimiste plus dâune douceur intĂ©rieure. Comme tous les pessimistes de talent, il aime la vie ; lâidĂ©e du suicide, qui traverse un moment lâesprit de Job[15] Ă la vue des abus du monde, ne lui vient pas un moment Ă la pensĂ©e. VoilĂ lâintĂ©rĂȘt capital du livre CohĂ©let. Seul, absolument seul, il nous reprĂ©sente une situation intellectuelle et morale qui dut ĂȘtre celle dâun grand nombre de Juifs. LâincrĂ©dule Ă©crit peu, et ses Ă©crits ont beaucoup de chances de se perdre. La destinĂ©e du peuple juif ayant Ă©tĂ© toute religieuse, la partie profane de sa littĂ©rature a dĂ» ĂȘtre sacrifiĂ©e. Le Cantique et le CohĂ©let sont comme une chanson dâamour et un petit Ă©crit de Voltaire Ă©garĂ©s parmi les in-folio dâune bibliothĂšque de thĂ©ologie. Câest lĂ ce qui fait leur prix. Oui, lâhistoire dâIsraĂ«l manquerait dâune de ses principales lumiĂšres si nous nâavions quelques feuillets pour nous exprimer lâĂ©tat dâĂąme dâun IsraĂ©lite rĂ©signĂ© au sort moyen de lâhumanitĂ©, sâinterdisant lâexaltation et lâespĂ©rance, traitant de fous les prophĂštes, sâil y en avait de son temps, dâun IsraĂ©lite sans utopie sociale ni rĂȘve dâavenir. VoilĂ une haute raretĂ©. Les dix ou douze pages de ce petit livre sont, dans le volume sombre et toujours tendu qui a fait le nerf moral de lâhumanitĂ©, les seules pages de sang-froid. Lâauteur est un homme du monde, non un homme pieux ou un docteur. On dirait quâil ne connaĂźt pas la Thora ; sâil a lu les prophĂštes, ces furieux tribuns de la justice, il sâest bien peu assimilĂ© leur esprit, leur fougueuse ardeur contre le mal, leur inquiĂšte jalousie de lâhonneur de Dieu. Une pensĂ©e rĂ©sume lâhistoire des prophĂštes hĂ©breux pendant mille ans Le jour viendra oĂč la justice et le bonheur habiteront sur la terre. » CohĂ©let nâest pas du tout un membre de cette famille dâexaltĂ©s. Dans la grande chaĂźne dâIsaĂŻe Ă JĂ©sus, il nây a pas de place pour lui. La terre lui paraĂźt vouĂ©e aux abus, et il met une sorte dâobstination Ă soutenir que le monde ne sera jamais meilleur quâil nâest. Au fond, la position de notre sage fut-elle de son temps aussi isolĂ©e quâau premier abord elle paraĂźt lâĂȘtre dans lâhistoire de la littĂ©rature ? Il faudrait se garder de le croire. Quoique reprĂ©sentĂ©e par moins dâĂ©crits que lâĂ©cole prophĂ©tique et messianique, lâĂ©cole de sages fondĂ©e sur la nĂ©gation de lâautre vie et la poursuite exclusive dâune philosophie pratique menant Ă la fortune et aux succĂšs, cette Ă©cole, dis-je, avait toujours Ă©tĂ© nombreuse en IsraĂ«l. Le Livre des Proverbes, antĂ©rieur Ă la captivitĂ©, est au fond aussi profane que le CohĂ©let. Tout sây rĂ©duit Ă une prudence mondaine, tirĂ©e de lâexpĂ©rience temporelle de la vie ; la religion nây a de place que comme une part de lâesprit de conduite et de la tenue dâun galant homme. La Sagesse de JĂ©sus fils de Sirach, qui fut composĂ©e en hĂ©breu vers lâan 180 avant JĂ©sus-Christ, quelques annĂ©es, par consĂ©quent, avant la crise des MacchabĂ©es, ne sort en rien du cadre de l'ancienne philosophie. Comme CohĂ©let, le fils de Sirach place la vertu dans un certain juste milieu et dans la sagesse qui fait rĂ©ussir. Mais le fils de Sirach est bien plus pieux que lâauteur du CohĂ©let[16]. Câest un mosaĂŻste fervent. Les peines quâil se donne pour excuser Dieu des Ă©trangetĂ©s qui se passent sous son gouvernement ont quelque chose de touchant. S'il nâa aucune idĂ©e de vie future ni de messianisme, il croit du moins Ă lâĂ©ternitĂ© dâIsraĂ«l ; il respecte les saints, et, quoique ses idĂ©es sur les longues priĂšres, sur la croyance aux songes, sur lâobservation de la loi prĂ©fĂ©rable aux sacrifices, se rapprochent de celles de CohĂ©let, le fils de Sirach est dâune tout autre Ă©cole que notre sceptique auteur. Il est patriote. Or cette religion fondamentale de lâIsraĂ©lite, qui meurt chez lui la derniĂšre et survit Ă toutes ses dĂ©sillusions, est Ă peine sensible chez CohĂ©let. il nâest pas fier dâĂȘtre Juif ; on sent que, s'il doit se trouver un jour en rapports avec les Grecs et les Romains, il fera tous ses efforts pour dissimuler sa race et faire bonne figure, aux dĂ©pens de la Loi, dans le high life de son temps. A quelle date prĂ©cise rapporter notre singulier petit livre ? Cette question est pour la critique lâobjet de sĂ©rieux embarras. Autant il est facile de classer idĂ©alement le CohĂ©let, je veux dire de lui assigner sa place dans lâhistoire morale dâIsraĂ«l, autant il est difficile de fixer absolument le siĂšcle oĂč il a Ă©tĂ© composĂ©. Lâhistoire littĂ©raire du peuple juif offre des lacunes Ă©normes, et les considĂ©rations a priori sont, en pareille matiĂšre, singuliĂšrement dangereuses. Telle pensĂ©e qui paraĂźt dâordre moderne fit peut-ĂȘtre son apparition, dans quelque coin perdu du dĂ©veloppement dâIsraĂ«l, Ă une Ă©poque ancienne. Telle pensĂ©e qui paraĂźt primitive est souvent, chez ce peuple Ă©trange, contemporaine de lâEmpire romain. On peut dire que la littĂ©rature hĂ©braĂŻque se compose de deux floraisons, sĂ©parĂ©es par un dĂ©sert aride de trois cents ans. Lâancienne littĂ©raire hĂ©braĂŻque, comprenant la plus grande partie de la Bible, Ă©tait close vers lâan 500 avant LâĂ©tat littĂ©raire de la pĂ©riode qui suit, et qui correspond Ă la domination perse, nous est tout Ă fait inconnu. Il en faut dire autant de lâĂ©poque dâAlexandre et du IIIe siĂšcle avant La lumiĂšre reparaĂźt au IIe siĂšcle avant Vers lâan 170, a lieu cette Ă©ruption extraordinaire de lâenthousiasme juif qui produit les Livres de Daniel, dâHĂ©noch, et beaucoup dâautres Ă©crits dont lâoriginal hĂ©breu s'est malheureusement perdu. Cette veine littĂ©raire se continue par LâAssomption de MoĂŻse, L'Apocalypse dâEsdras, LâApocalypse de Baruch, les Livres de Judith, de Tobie, contemporains de lâapparition de la nouvelle Bible chrĂ©tienne, et qui Ă©galement ne nous ont Ă©tĂ© conservĂ©s que par des traductions grecques, latines ou orientales. Il est impossible de placer CohĂ©let dans le groupe des grands Ă©crits classiques dâIsraĂ«l, qui finit, vers lâavĂšnement de la dynastie achĂ©mĂ©nide. par les Ă©crits des derniers prophĂštes HaggĂ©e, Zacharie, Malachie. Ce nâest ni dans la troupe toujours haletante des prophĂštes de JĂ©rusalem, ni dans ce VIe siĂšcle le siĂšcle qui suivit la ruine du royaume de Juda si plein pour IsraĂ«l de douleurs, de dĂ©sespoir, dâexaltation religieuse et dâespĂ©rance, quâon peut caser notre sceptique. Quâon songe aux brillants rĂȘves dâavenir du second IsaĂŻe, de certains psalmistes. Il y a des heures oĂč lâĂąme la plus blasĂ©e devient patriote. Le VIe siĂšcle fut pour le peuple juif une de ces heures. Il est vrai quâen remontant plus haut, nous trouverions lâĂ©cole parabolique, en particulier celle qui paraĂźt sâĂȘtre groupĂ©e autour dâĂzĂ©chias, avec laquelle notre auteur a plus dâune affinitĂ©. Mais la langue du CohĂ©let porte si Ă©videmment les caractĂšres dâun Ăąge relativement moderne, quâil faut sâinterdire des hypothĂšses qui placeraient le livre Ă cĂŽtĂ© des monuments classiques du gĂ©nie dâIsraĂ«l. Le CohĂ©let est sĂ»rement postĂ©rieur Ă lâavĂšnement des AchĂ©mĂ©nides, câest-Ă -dire Ă lâan 500 avant Des raisonnements du mĂȘme ordre porteraient Ă croire quâil est antĂ©rieur Ă la crise suscitĂ©e par Antiochus Ăpiphane, vers lâan, 170 avant Nous avons peine Ă concevoir notre auteur vivant au milieu des fougueux messianistes du temps des MacchabĂ©es. A partir de cette date jusquâĂ la guerre dâAdrien, IsraĂ«l a la fiĂšvre ; il enfante dans la douleur ; il souffre pour lâhumanitĂ©. Notre auteur, au contraire, est le plus calme des hommes ; ni le patriotisme, ni le messianisme ne le troublent ; il ne gĂ©mit que sur lui-mĂȘme ; ses tristesses et ses consolations sont pour lui seul. On dirait que le judaĂŻsme nâa pas encore Ă©tĂ© persĂ©cutĂ©. La consĂ©quence Ă tirer de lĂ , câest que le CohĂ©let aurait Ă©tĂ© composĂ© sous les AchĂ©mĂ©nides, ou du temps dâAlexandre, ou du temps de la domination des PtolĂ©mĂ©es en Palestine. Mais, nous le rĂ©pĂ©tons, de telles inductions sont bien souvent trompeuses. Une nation ne marche jamais tellement tout dâune piĂšce quâil ne se produise en elle des courants latĂ©raux. Dans cet Ăąge dâexaltation qui sâĂ©tend de Judas MacchabĂ©e Ă Barkokeba, il y eut des Ă©picuriens fort paisibles, trĂšs amortis en leur zĂšle pour les grands intĂ©rĂȘts dâIsraĂ«l et de l'humanitĂ©. Des groupes isolĂ©s conservaient leur libertĂ© dâesprit. Le fanatisme des AsmonĂ©ens tomba vite. Ces sadducĂ©ens qui ne croient ni aux anges, ni aux esprits, ni Ă la rĂ©surrection, ces boĂ«thusim, dont le nom Ă©tait synonyme dâĂ©picuriens, toute cette riche aristocratie de prĂȘtres de JĂ©rusalem, qui vivait du temple, et dont la froideur religieuse irritait si fort JĂ©sus et les fondateurs du christianisme[17], Ă©taient bien les frĂšres intellectuels de notre auteur. M. GrĂŠtz a dĂ©veloppĂ©, avec toutes les ressources du savoir le plus profond et de lâesprit le plus ingĂ©nieux, la thĂšse que le CohĂ©let a Ă©tĂ© Ă©crit peu dâannĂ©es avant la naissance de JĂ©sus, sous le rĂšgne dâHĂ©rode, et que le Salomon mythique dont il y est question, câest HĂ©rode lui-mĂȘme, HĂ©rode arrivĂ© Ă renouveler, Ă force de travail et dâintrigue, la grandeur lĂ©gendaire du fils de David, et ne recueillant, sur la fin de sa vie, que les malĂ©dictions du peuple, les tristesses domestiques et lâennui. Le livre serait ainsi une sorte de satire, un livre dâopposition, rempli dâallusions et de malices. A peine est-il un verset du CohĂ©let oĂč M. GrĂŠtz ne voie quelque circonstance des rĂ©cits de JosĂšphe. Par moments trĂšs sĂ©duisant, le systĂšme de M. GrĂŠtz est insoutenable dans son ensemble. Ce que le savant israĂ©lite a bien prouvĂ©, câest quâon ne peut descendre trop bas quand il sâagit de fixer la date du CohĂ©let. Quelques observations des plus fines, dĂ©jĂ faites du reste avant M. Graetz par M. Nahman Krochmal, sur les derniers versets, montrent que rien ne sâoppose Ă ce que la composition du livre ne remonte pas au delĂ des temps hĂ©rodiens ou asmonĂ©ens. La langue est ici Ă©videmment le critĂ©rium le plus important. Il est en gĂ©nĂ©ral assez facile de distinguer un ouvrage hĂ©breu de la grande Ă©poque, câest-Ă -dire antĂ©rieur Ă lâan 500, dâun ouvrage hĂ©breu postĂ©rieur, tel quâEsther, Esdras, NĂ©hĂ©mie, Les Chroniques, Daniel. Le vieux style hĂ©breu a un caractĂšre Ă part, ferme, nerveux, serrĂ© comme un cĂąble, tordu, Ă©nigmatique. LâhĂ©breu moderne, au contraire, est lĂąche, sans timbre, flasque, tout Ă fait analogue Ă lâaramĂ©en. Les aramaĂŻsmes y abondent ; les Ă©crits conçus en ce dialecte peuvent ĂȘtre traduits mot Ă mot en aramĂ©en, sans rien y perdre. Il nâen est pas de mĂȘme du CohĂ©let. Oui, certes, la langue du livre est moderne ; mais elle est peu teintĂ©e dâaramaĂŻsme ; le livre est presque impossible Ă bien traduire en syriaque. Ce Ă quoi cet hĂ©breu ressemble, câest Ă la Mischna, et surtout au traitĂ© Eduioth, aux PirkĂ© aboth, Ă la Megillath Taanith. Or la Mischna reprĂ©sente lâhĂ©breu du IIe siĂšcle aprĂšs hĂ©breu trĂšs diffĂ©rent de la langue fortement aramaĂŻsĂ©e qui Ă©tait devenue Ă la mode chez les Juifs vers lâĂ©poque achĂ©mĂ©nide. Par la langue, le CohĂ©let parait le plus rĂ©cent des livres bibliques, le plus voisin du Talmud. Les considĂ©rations palĂ©ographiques, si lâon peut sâexprimer ainsi, conduisent Ă la mĂȘme conclusion. Un rĂ©sultat incontestable de lâĂ©tude critique dont le livre a Ă©tĂ© lâobjet dans les derniers temps, câest quâil fourmille de fautes de copiste. Or toutes ces fautes ont Ă©tĂ© commises dans lâalphabet hĂ©breu moderne, quâon appelle lâalphabet carrĂ©. Cet alphabet, qui est lâalphabet aramĂ©en lui-mĂȘme, ou du moins qui est sorti de lâancien alphabet par des modifications identiques Ă celles qui ont produit lâaramĂ©en[18], Ă©tait lâalphabet en usage vers lâĂ©poque asmonĂ©enne. Tout prouve que le CohĂ©let fut Ă©crit et copiĂ© dâabord dans un alphabet trĂšs usĂ©, trĂšs fatiguĂ©, avec des ligatures, oĂč plusieurs lettres se ressemblaient, et qui prĂ©sentait comme une sĂ©rie de traits verticaux se tenant entre eux et trĂšs faciles Ă confondre. On sent que le livre nâeut dâabord rien de sacrĂ©, rien dâofficiel. Ce fut une Ă©criture privĂ©e, longtemps gardĂ©e comme telle, copiĂ©e avec toutes les fautes quâentraĂźne lâusage dâun caractĂšre cursif. La traduction grecque du CohĂ©let prĂ©sente des caractĂšres Ă part, qui invitent Ă©galement Ă croire que le livre entra tard dans le Canon et y fut rattachĂ© comme une sorte dâappendice. Si cette traduction nâest point dâAquila, elle est au moins de son Ă©cole et de sa maniĂšre. Aquila traduisit au temps dâAdrien vers 130 aprĂšs JĂ©sus-Christ, et sous lâinfluence des idĂ©es de Rabbi Aquiba. Le principe fondamental de Rabbi Aquiba Ă©tait que tout mot, dans le texte de la Bible, a une valeur par lui-mĂȘme et ajoute une nuance au sens. Aquila en concluait que chaque mot hĂ©breu doit ĂȘtre traduit par un mot grec. De tous les mots hĂ©breux le plus vide de sens est sĂ»rement la particule et, qui sert Ă marquer le rĂ©gime direct du verbe. Un traducteur grec raisonnable a rempli son devoir quand il a mis Ă lâaccusatif le mot prĂ©cĂ©dĂ© de cette particule. Aquila ne lâentendait pas ainsi. Il rendait systĂ©matiquement et par sun, quoique cela ne fĂźt en grec aucun sens. Traduisant, par exemple, le premier verset de la GenĂšse, il mettait que Dieu crĂ©a sun ton ouranon kai sun tĂšn gĂšn »[19], Or cette particularitĂ© bizarre sâobserve toujours dans la traduction grecque du CohĂ©let qui fait partie de la Bible grecque orthodoxe. Cette traduction se distingue, dâailleurs, par une littĂ©ralitĂ© extrĂȘme. Elle a donc Ă©tĂ© faite sous lâinfluence des idĂ©es de Rabbi Aquiba. Est-elle dâAquila lui-mĂȘme ? Cela est trĂšs douteux ; car une version grecque diffĂ©rente de celle-lĂ figurait dans les HĂ©xaples dâOrigĂšne sous le nom dâAquila. Mais Aquila fit souvent plusieurs versions dâun mĂȘme livre. Les deux versions, au moins, sont sĂ»rement contemporaines ; car cette bizarre manie de rendre et par sun dura trĂšs peu de temps. On la trouvait aussi dans la traduction grecque, maintenant perdue, de LâApocalypse dâEsdras, ouvrage de la fin du Ier siĂšcle de notre Ăšre[20]. Il semble donc que le CohĂ©let ne fut traduit en grec que vers lâan 130 aprĂšs JĂ©sus-Christ. Cela coĂŻncide avec ce fait quâon nâen trouve aucune citation chez les Ă©crivains chrĂ©tiens du Ier et du IIe siĂšcle. Pourquoi le CohĂ©let a-t-il Ă©tĂ© traduit si tardivement, quand tous les autres Ă©crits hĂ©breux ont passĂ© en grec au IIIe et au IIe siĂšcle avant JĂ©sus-Christ ? Probablement parce quâil ne faisait pas partie de la Bible Ă cette Ă©poque ; peut-ĂȘtre mĂȘme parce quâil nâĂ©tait pas encore composĂ©. Les derniers versets, enfin, prĂ©sentent quelques particularitĂ©s qui conduisent Ă considĂ©rer le livre comme le plus moderne des Ă©crits de la Bible hĂ©braĂŻque, M. Nahman Krochmal remarqua le premier que les deux versets qui suivent nâont aucun rapport avec lâouvrage et ont dĂ» servir de clausule finale au recueil biblique, quand le CohĂ©let formait les derniĂšres pages du volume. Ce nâest point par hasard que ce petit quatrain se trouve fixĂ© Ă la fin de notre livre, et non Ă la fin des Chroniques, ou dâEsther ou de Daniel, qui, eux aussi, ont longtemps traĂźnĂ© aux derniers feuillets du volume sacrĂ©. Lâaddition de notre livre au Canon paraĂźt donc un fait rĂ©cent et dont les traces se laissent encore apercevoir. Le livre ne renferme pas un grand nombre de traits qui puissent servir Ă tracer le tableau du temps oĂč vivait l'auteur. On voit bien, Ă son Ă©tat dâĂąme, que les vieilles mĆurs Ă©taient perdues. La famille est dĂ©truite ; la femme, Ă la suite des scandales de lâĂ©poque sĂ©leucide et Ă la veille des effroyables crimes domestiques de lâĂąge hĂ©rodien, est devenue un flĂ©au. Ce qui soutenait lâancien sage, quand sa philosophie Ă©tait trop Ă©branlĂ©e, câĂ©tait lâespĂ©rance de se survivre en ses enfants. La postĂ©ritĂ© le consolait de la fragilitĂ© de la vie individuelle. Notre auteur voit dans cette façon de raisonner une amĂšre duperie. Que sait-on de ses enfants ? Ce seront peut-ĂȘtre des sots, qui vous couvriront de honte et dĂ©moliront ce que vous avez cherchĂ© Ă Ă©difier. Le vrai commentaire du CohĂ©let, ce sont les livres XII et XIII des AntiquitĂ©s de JosĂšphe, ce tissu de crimes et de bassesses qui, surtout, depuis lâan 200 av. Ă peu prĂšs, compose lâhistoire de la Palestine. Les hasidim Ă©chappaient Ă la rĂ©alitĂ© par leurs rĂȘves messianiques ; notre auteur y Ă©chappe par son fatalisme rĂ©signĂ© et par son goĂ»t de la vie raffinĂ©e. Le temple de JĂ©rusalem existait quand le livre fut Ă©crit, et le culte y florissait. Le sacerdoce Ă©tait organisĂ© avec un certain pouvoir temporel. Il y avait des piĂ©tistes zĂ©lĂ©s, qui exagĂ©raient les prescriptions et faussaient la religion par un zĂšle et une austĂ©ritĂ© outrĂ©s. JĂ©rusalem Ă©tait le siĂšge dâune royautĂ© et dâune cour, oĂč les gens un peu notables de la ville aspiraient Ă briller. Les dynasties et les villes indĂ©pendantes pullulaient en Syrie ; elles se faisaient des guerres sans fin. Une petite ville pouvait avoir un siĂšge Ă soutenir. Il semble quâaucun grand pouvoir comme celui des AchĂ©mĂ©nides, ou dâAlexandre, ou des PtolĂ©mĂ©es, ou des SĂ©leucides ne se faisait sentir[21]. Le moment oĂč un pareil Ă©tat social de la JudĂ©e et de lâOrient nous reporte est vers lâan 125 avant JĂ©sus-Christ. Le pouvoir des sĂ©leucides sâĂ©tait effondrĂ© et avait laissĂ© la place Ă des petites dynasties locales, Ă des villes autonomes[22]. La royautĂ© dâIsraĂ«l sâĂ©tait relevĂ©e par les AsmonĂ©ens. Bien que sortie dâun fanatisme brĂ»lant, cette dynastie, surtout aprĂšs sa rupture avec les pharisiens sous Jean Hyrcan, devint bientĂŽt assez profane. Alexandre JannĂ©e et Jean Hyrcan sont des rois comme dâautres, religieux par habitude et par politique, cruels, avides, mĂ©chants, au fond trĂšs peu dĂ©vots. Câest le temps des hasidim et le commencement des sectes comme les essĂ©niens, qui, justement par rĂ©action contre la perversion du monde, introduisent dans lâisraĂ©litisme un esprit de mysticitĂ© inconnu jusque-lĂ . Ces gens qualifiĂ©s de sots », qui se livraient aux pratiques dâun ascĂ©tisme exaltĂ©, Ă des abstinences inutiles, qui se prĂ©occupaient vainement de lâavenir et de ce qui arrive aprĂšs la mort, qui trouvaient mauvais que lâhomme jouĂźt tranquillement de lâaisance quâil avait acquise par un travail honnĂȘte, Ă©taient probablement les premiers en date de ces fous du royaume de Dieu dont la folie allait gagner le monde et que notre auteur ou ses pareils devaient accueillir de tous leurs dĂ©dains. Sâil fallait sâarrĂȘter Ă une date un peu prĂ©cise, câest vers ce temps, une centaine dâannĂ©es avant la naissance de JĂ©sus, que je placerais la composition du CohĂ©let. Lâauteur fut peut-ĂȘtre quelque arriĂšre-grand-pĂšre dâAnne ou de CaĂŻphe, de ces prĂȘtres aristocrates qui condamnĂšrent JĂ©sus dâun cĆur si lĂ©ger. Il fut lâidĂ©al de ce quâon appelait un sadducĂ©en, je veux dire de ces gens riches, sans fanatisme, sans croyance dâaucune sorte en lâavenir, attachĂ©s au culte du temple qui faisait leur fortune, furieux contre les fanatiques et toujours enchantĂ©s quand on les mettait Ă mort. On a souvent cherchĂ© Ă prouver que la philosophie de lâauteur porte la trace dâune influence de la philosophie grecque. Rien nâest moins certain. Tout absolument sâexplique dans le livre par le dĂ©veloppement logique de la pensĂ©e juive. Lâauteur est trĂšs probablement postĂ©rieur Ă Ăpicure ; il semble bien cependant quâil nâavait pas reçu dâĂ©ducation hellĂ©nique. Son style est sĂ©mitique au premier chef. Dans toute sa langue, pas un mot grec, pas un hellĂ©nisme caractĂ©risĂ©[23]. Dâun autre cĂŽtĂ©, il est loin de pousser aussi loin quâĂpicure la radicale nĂ©gation de la Providence et le principe de lâinsouciance des dieux Ă lâĂ©gard des choses humaines. Sa physique est assez saine ; mais elle rĂ©sulte bien plutĂŽt, comme celle de ThalĂšs et dâHĂ©raclite, dâobservations gĂ©nĂ©rales trĂšs justes, que dâun travail vraiment scientifique Ă la façon dâArchimĂšde ou de lâĂ©cole dâAlexandrie. Sa morale de juste milieu a sĂ»rement des analogues en GrĂšce, Ă CyrĂšne surtout. Il cĂŽtoie sans cesse ThĂ©odore de CyrĂšne[24], sans sâarrĂȘter Ă ses assertions franchement irrĂ©ligieuses. Aristippe de CyrĂšne reconnaĂźtrait Ă beaucoup dâĂ©gards son confrĂšre dans ce juif dĂ©gagĂ©, quâaucun prĂ©jugĂ© nâaveugle et qui arrive Ă placer le but suprĂȘme de la vie dans le plaisir tranquille. CyrĂšne fut, avec Alexandrie, la ville oĂč il y eut le plus de Juifs. Mais les mĂȘmes causes produisent, dans les familles humaines les plus diverses, des effets semblables. Le galant homme se ressemble en Europe, en Chine, au Japon. La GrĂšce, Ă vrai dire, nâeĂ»t point Ă©crit une Ćuvre aussi dĂ©couragĂ©e. La foi en la science soutient la GrĂšce, Le CohĂ©let est lâĆuvre dâune absolue dĂ©crĂ©pitude. Jamais on ne fut plus vieux, plus profondĂ©ment Ă©puisĂ©. Et dire que ce livre de scepticisme, Ă la fois Ă©lĂ©gant et morne, fut Ă©crit peu de temps avant lâĂvangile et le Talmud !... Peuple Ă©trange, en vĂ©ritĂ©, et fait pour prĂ©senter tous les contrastes ! Il a donnĂ© Dieu au monde, et il y croit Ă peine. Il a créé la religion, et câest le moins religieux des peuples ; il a fondĂ© lâespĂ©rance de l'humanitĂ© en un royaume du ciel, et tous ses sages nous rĂ©pĂštent quâil ne faut sâoccuper que de la terre. Les races les plus Ă©clairĂ©es prennent au sĂ©rieux ce quâil a prĂȘchĂ©, et lui, il en sourit. Sa vieille littĂ©rature a excitĂ© le fanatisme de toutes les nations, et il en voit mieux que personne les cĂŽtĂ©s faibles. Aujourdâhui, comme il y a deux mille ans, il clorait volontiers le rouleau sacrĂ© par cette petite rĂ©flexion de lecteur ami de ses aises Assez de livres inspirĂ©s comme cela ! Trop lire fatigue la chair. » Le livre CohĂ©let ne commence Ă faire parler de lui que vers la fin du Ie siĂšcle de notre Ăšre. AprĂšs la destruction de JĂ©rusalem par Titus, le centre de l'autoritĂ© juive se transporte Ă IabnĂ© ou Iamnia, Ă quatre lieues et demie environ au sud de Jaffa[25]. LĂ , le judaĂŻsme sâorganise et se resserre ; lĂ , en particulier, vers lâan 80 de notre Ăšre, se pose la question des livres anciens quâil faut conserver et qui doivent faire partie du Canon. Job, ĂzĂ©chiel, Le Cantique des cantiques et Les Proverbes prĂȘtaient Ă plus dâune objection, Ă cause de quelques images Ă©tranges, de certaines hardiesses et dâun ou deux tableaux libres. On les conserva nĂ©anmoins. La question du CohĂ©let fut Ă©galement agitĂ©e. Le ton libertin qui y rĂšgne avait de quoi troubler une Ă©poque aussi pieuse. La discussion fut vive ; le livre lâemporta cependant. Quelques versets dâapparence religieuse sauvĂšrent le reste. Le temps, dâailleurs, Ă©tait aux interprĂ©tations bizarres. On ne cherchait plus dans un livre son sens naturel. On y cherchait mille sens auxquels l'auteur nâavait jamais pensĂ©. On eĂ»t trouvĂ© des mystĂšres sublimes dans des amas de lettres jetĂ©es au hasard. Un texte ancien Ă©tait devenu un grimoire qui servait Ă des jeux de mots. Que le texte signifiĂąt ceci ou cela, câĂ©tait chose fort indiffĂ©rente. On nâavait plus dâyeux pour voir ni pour lire. En gĂ©nĂ©ral, du reste, on lit mal, quand on lit Ă genoux. Avec de tels procĂ©dĂ©s, il nâest pas surprenant quâon ait pu faire dâun dialogue dâamour un livre dâĂ©dification, dâun livre sceptique un livre de philosophie sacrĂ©e. Les docteurs de IabnĂ© ne comprirent rien ni Ă lâun ni Ă lâautre, et ce fut fort heureux ; car, sâils eussent compris, certainement ils eussent dĂ©truit les livres qui les scandalisaient. Lâerreur accrĂ©ditĂ©e sur lâauteur des deux livres fut aussi, Ă quelques Ă©gards, salutaire. On les croyait de Salomon, et une origine si respectable empĂȘchait de voir les objections. La Sagesse de JĂ©sus, fils de Sirach, qui nâoffrait pas de difficultĂ©s Ă beaucoup prĂšs aussi sĂ©rieuses Ă lâorthodoxie, fut arrĂȘtĂ©e sur le seuil de la canonicitĂ©, parce quâelle avouait trop naĂŻvement son origine moderne. Lâauteur porta la peine de sa sincĂ©ritĂ©. Selon lâesprit du temps, un livre nâavait dâautoritĂ© que sâil portait le nom dâun patriarche, dâun prophĂšte, dâun vieux scribe vĂ©nĂ©rĂ©. Vers lâan 100 de notre Ăšre, le CohĂ©let fait donc partie de la Bible juive. Vers lâan 135, Aquila le traduit en grec, et les chrĂ©tiens commencent Ă le lire. Les consĂ©quences de cette lecture se laissent dâabord bien peu sentir. Les chrĂ©tiens, avec leur assurance, allant jusquâau martyre, du prochain avĂšnement de la justice divine, ne pouvaient beaucoup goĂ»ter les sentences dĂ©couragĂ©es de notre jouisseur blasĂ©. Ni saint Justin, ni saint IrĂ©nĂ©e, ni Tertullien, ni ClĂ©ment dâAlexandrie ne citent L'EcclĂ©siaste[26]. LâĂglise, cependant, pour les jugements sur la canonicitĂ© des livres, dĂ©pendait encore de la synagogue. Tout livre hĂ©breu, dĂšs quâil Ă©tait traduit en grec, devenait un livre sacrĂ©. Ainsi la traduction dâAquila sâintroduisit dans lâĂglise. OrigĂšne vers 230 met le CohĂ©let, sans rĂ©serve ni distinction, parmi les livres sacrĂ©s. Vers 250, Denys dâAlexandrie le commente[27]. Plus tard, Jean ChrysostĂŽme en tire dâĂ©loquentes paroles, au lendemain de la disgrĂące dâEutrope, et, au moment de la chute de Rome, saint JĂ©rĂŽme le lit Ă sainte BlĂ©sille pour la consoler en lui montrant combien ici-bas tout est vanitĂ©[28]. L'exĂ©gĂšse grossiĂšre et puĂ©rile du moyen Ăąge ne se soucia d'aucune des difficultĂ©s que le livre devait prĂ©senter Ă quiconque eĂ»t rĂ©flĂ©chi. Grotius le premier avoua le scandale que lui causaient certains passages. Il aperçut trĂšs bien aussi que la langue Ă©tait postĂ©rieure Ă la captivitĂ©. Van der Palm, Umbreit, Knobel, Herzfeld, Luzzalto, Jahn, Augusti, de Wette, virent le scepticisme de l'auteur, mais ne se l'expliquĂšrent pas. Une idĂ©e trĂšs fausse, celle d'un dialogue oĂč tour Ă tour un piĂ©tiste et un sadducĂ©en exposaient des idĂ©es contraires, fit un moment fortune. M. Hilzig et M. Ewald ouvrirent la voie des explications historiques, mais mĂ©connurent le caractĂšre de libre pensĂ©e qui domine le livre, et le faussĂšrent tout Ă fait en prĂ©tendant y trouver un transcendentalisme prĂ©tentieux. CohĂ©let fut pour eux une sorte de thĂ©ologien Ă la façon de Zurich ou de GĆttingue, procĂ©dant par pĂ©dantes circonvolutions. M. Ewald et M. Hilzig, cependant, firent faire un vĂ©ritable progrĂšs Ă lâexĂ©gĂšse du livre, en montrant quâil fallait pour lâexpliquer descendre jusquâĂ lâĂ©poque macĂ©donienne. M. Zirkel reconnut aussi que le livre Ă©tait encore plus moderne que les premiers critiques protestants, rĂ©putĂ©s hardis, ne lâavaient supposĂ©. Le CohĂ©let est un ouvrage si profondĂ©ment juif quâil Ă©tait rĂ©servĂ© Ă des critiques juifs dâen saisir dĂ©finitivement le caractĂšre et le sens vĂ©ritable. MoĂŻse Mendelssohn, Samuel David Luzzatio, le comprirent beaucoup mieux que ne lâavaient fait les thĂ©ologiens protestants. Enfin il a Ă©tĂ© donnĂ© Ă M. GrĂŠtz dâaccomplir, dans lâexĂ©gĂšse du livre qui nous occupe, le pas le plus considĂ©rable[29]. Une foule dâexĂ©gĂštes avaient signalĂ© le caractĂšre moderne de la langue du CohĂ©let ; M. GrĂŠtz a fort bien remarquĂ© que ce nâest pas assez dire et que, pour trouver les vrais analogues de ce style, câest presque jusquâĂ la Mischna quâil faut descendre. Certes M. GrĂŠtz a Ă©tĂ© beaucoup trop loin en prĂ©tendant prĂ©ciser une foule de traits de la pensĂ©e de lâauteur dont la vĂ©ritable nuance nous Ă©chappera toujours. Pour faire du livre un pamphlet politique contre le gouvernement dâHĂ©rode, devenu vieux et impopulaire, il faut forcer une foule de dĂ©tails et voir dans le livre autre chose que ce qui sây trouve. Ce qui est bien plus choquant dans lâouvrage de M. GrĂŠtz, câest lâexplication des deux derniers chapitres. Si cette explication Ă©tait admise, le CohĂ©let serait un mauvais livre, un livre de mauvais conseils. Or, voilĂ ce quâil nâest nullement. Câest un livre de scepticisme Ă©lĂ©gant ; on peut le trouver hardi, libre mĂȘme ; jamais il nâest immoral ni obscĂšne. Lâauteur est un galant homme, non un professeur de libertinage, et câest ce quâil serait vraiment si la fin du livre renfermait les Ă©tranges sous-entendus admis par M. GrĂŠtz. Le texte du CohĂ©let est, avec le texte du Livre des Psaumes, la partie de la Bible oĂč il y a le plus de fautes de copistes. Toutes les fautes, comme je lâai dĂ©jĂ dit, proviennent des confusions auxquelles prĂȘte lâalphabet carrĂ©. La comparaison du texte massorĂ©tique avec les anciennes versions prouve que la supposition de pareilles fautes nâest pas le fait dâune critique aux abois. Cette comparaison fournit dĂ©jĂ le moyen de corriger plusieurs des altĂ©rations du texte hĂ©breu. La palĂ©ographie fournit un instrument critique bien autrement efficace. Le progrĂšs de lâĂ©pigraphie sĂ©mitique tirera enfin lâexĂ©gĂšse biblique de lâimpasse oĂč elle Ă©tait engagĂ©e. La vieille Ă©cole, qui sâobligeait Ă expliquer le texte tel quâil est, mĂȘme quand notoirement il est corrompu, paraĂźtra puĂ©rile. Mais lâĂ©cole qui substitue arbitrairement des leçons commodes Ă tout ce qui lâembarrasse ne sera pas moins condamnĂ©e. Ă dĂ©faut de la comparaison des manuscrits, qui, en ce qui touche la Bible, est infĂ©conde ou Ă©puisĂ©e, un seul moyen reste Ă la critique pour tĂącher de retrouver le texte primitif de ces antiques livres, dont quelques-uns ont Ă©tĂ© fortement viciĂ©s par les copistes câest de se les figurer Ă©crits dans lâalphabet oĂč ils furent composĂ©s et oĂč ils subirent leurs premiĂšres aventures. De la sorte on arrive Ă des conjectures plausibles, quelquefois certaines. Le texte, du reste, nous aurait Ă©tĂ© conservĂ© lettre pour lettre tel quâil fut Ă©crit par son auteur, que de grandes difficultĂ©s resteraient encore. Les idĂ©es de lâauteur sont dâun ordre assez simple et ne demandent, pour ĂȘtre comprises, aucun effort de mĂ©taphysique. Mais sa langue est singuliĂšrement embarrassĂ©e. Il procĂšde par petites retouches successives. Au lieu du grand style synthĂ©tique de Platon et dâAristote, son hĂ©breu est comme un entassement de pierres sĂšches, sans ciment. Lâauteur est un esprit cultivĂ©, qui ne trouve sous sa main quâun idiome rebelle au but quâil se propose. LâhĂ©breu, aux VIIIe, VIIe et VIe siĂšcles avant JĂ©sus-Christ, avait produit des chefs-dâĆuvre que lâhumanitĂ© devait adopter comme des inspirations divines ; mais cette littĂ©rature classique Ă©tait trĂšs limitĂ©e. Elle nâavait rien qui pĂ»t sâappeler science ou philosophie. Admirable pour lâexpression de la passion, lâhĂ©breu nâa aucune souplesse pour le raisonnement. Lâarabe, au XIe et au XIIe siĂšcle de notre Ăšre, se trouva dans le mĂȘme embarras. On le fit servir Ă lâexpression dâidĂ©es pour lesquelles il nâavait pas Ă©tĂ© créé. De lĂ une extrĂȘme gaucherie. Sauf les moments oĂč ils sâĂ©chappent dans le mysticisme, les philosophes arabes sont de mauvais Ă©crivains. Les langues sĂ©mitiques ne se prĂȘtent nullement Ă lâexpression dâidĂ©es enchevĂȘtrĂ©es. Elles recherchent le trait vif, lâĂ©tincelle ; elles dĂ©composent le raisonnement et en Ă©talent les membres. Supposons Descartes pourvu dâun tel instrument ; oĂč serait le Discours sur la mĂ©thode ? Que deviendrait en un tel idiome la phrase suivante de Spinoza ? LâexpĂ©rience mâayant appris Ă reconnaĂźtre que tous les Ă©vĂ©nements de la vie commune sont choses vaines et futiles, que tous les objets de nos craintes nâont rien en soi de bon ni de mauvais et ne prennent ce caractĂšre quâautant que lâĂąme en est touchĂ©e, jâai pris enfin la rĂ©solution de rechercher sâil existe un bien vĂ©ritable et capable de se communiquer aux hommes, un bien qui puisse remplir seul lâĂąme tout entiĂšre, aprĂšs quâelle a rejetĂ© tous les autres biens, un bien, en un mot, qui donne Ă lâĂąme, quand elle le trouve et le possĂšde, lâĂ©ternel et suprĂȘme bonheur. Et ce beau cri de lâĂąme vertueuse de Kant ? Devoir ! mot grand et sublime, toi qui nâas rien dâagrĂ©able ni de flatteur, et qui commandes la soumission, sans pourtant employer pour Ă©branler la volontĂ© des menaces propres Ă exciter naturellement lâaversion et la terreur, mais en te bornant Ă proposer une loi qui dâelle-mĂȘme sâintroduit dans lâĂąme et la force au respect sinon toujours Ă lâobĂ©issance, et devant laquelle se taisent tous les penchants, quoiquâils travaillent sourdement contre elle, quelle origine est digne de toi ? OĂč trouver la racine de la noble tige qui repousse fiĂšrement toute alliance avec les penchants, cette racine oĂč il faut placer la condition indispensable de la valeur que les hommes peuvent se donner Ă eux-mĂȘmes ? CohĂ©let, au fond, a compris tout cela et voudrait le dire. Il a lâesprit philosophique ; mais il nâa pas une langue philosophique Ă sa disposition. Ses efforts dĂ©sespĂ©rĂ©s pour faire un raisonnement ressemblent aux tortures dâun grand musicien forcĂ© dâexĂ©cuter une symphonie compliquĂ©e avec un orchestre tout Ă fait grossier. Une observation trĂšs juste, due Ă M. Joseph Derenbourg, jette le plus grand jour sur la maniĂšre dâĂ©crire de notre auteur et sur les rĂšgles qui prĂ©sident Ă la conduite de sa pensĂ©e. Un des traits caractĂ©ristiques de cette poĂ©sie morale de lâInde et de la Perse avec laquelle le CohĂ©let a dĂ©jĂ tant dâanalogies, câest lâhabitude dâinsĂ©rer des vers dans le tissu de la prose, soit que ces vers consistent en citations de poĂšmes connus, soit quâils aient Ă©tĂ© composĂ©s par lâauteur lui-mĂȘme. M. Ewald avait dĂ©jĂ remarquĂ© les proverbes, presque sans connexion avec le texte, dont lâauteur sĂšme sa dĂ©clamation, pour en rompre le cours trop monotone. M. Derenbourg[30] montre quâen ceci CohĂ©let a devancĂ© le genre dont Saadi prĂ©sente le modĂšle achevĂ©, et qui a ses origines dans la Perse sassanide et ultĂ©rieurement dans lâInde. La teneur gĂ©nĂ©rale du style de LâEcclĂ©siaste, câest la prose. Mais, par moments, le parallĂ©lisme se fait sentir, et presque toujours, Ă ces moments-lĂ , la suite des idĂ©es est violemment brisĂ©e. En admettant que ces maximes, trĂšs peu liĂ©es avec ce qui prĂ©cĂšde et ce qui suit, sont des citations ou plutĂŽt des intercalations mĂ©triques, on soulage singuliĂšrement la difficultĂ© que lâon trouve Ă faire tenir lâouvrage sur ses pieds[31]. Le traducteur est Ă cet Ă©gard un excellent juge. Toutes les traductions de LâEcclĂ©siaste ont, en quelques endroits, un air gauche et incohĂ©rent. Dans lâhypothĂšse oĂč câest lâauteur lui-mĂȘme qui, de temps en temps, rompt sa trame pour y broder des espĂšces dâappliques, on obtient un texte bien plus satisfaisant. Il en rĂ©sulte mĂȘme un certain charme ces petites parenthĂšses enlĂšvent Ă la prose un sĂ©rieux trop prolongĂ© ; elles dĂ©tournent le lecteur de la fausse idĂ©e quâun raisonnement rigoureux se cache sous ces lĂ©gĂšres fioritures. Quelquefois, en effet, le lien logique manque tout Ă fait ; ce sont des coups dâarchet, de lĂ©gĂšres ritournelles de violon, uniquement destinĂ©s Ă sĂ©parer des paragraphes, ou de simples roses jetĂ©es en passant, comme ces fleurettes qui Ă©maillent les interlignes dâun manuscrit persan du XVIe siĂšcle. Mais comment rendre sensible, dans une traduction, ce passage de la prose aux citations en vers ? Dâordinaire, pour exprimer le rhythme de la poĂ©sie parabolique, il suffit de conserver la coupe parallĂšle des distiques. Dans Le Livre de Job, par exemple, une bonne traduction française est presque aussi rhythmĂ©e que lâoriginal. Il nâen serait pas de mĂȘme dans CohĂ©let. Le parallĂ©lisme est ici trĂšs faible. Le rhythme des vers citĂ©s consiste principalement en quelque chose de sautillant, de lĂ©ger, de prĂ©tentieusement Ă©lĂ©gant. Pour rendre ce caractĂšre, jâai essayĂ© les mĂštres anciens de notre poĂ©sie, avec un minimum de rime ou plutĂŽt dâassonance. Je prie les poĂštes exquis de notre temps de ne pas croire que jâaie voulu marcher sur leurs brisĂ©es. Je nâai songĂ© en rien Ă lutter avec leurs harmonieuses mĂ©lopĂ©es. Il sâagissait de calquer en français des sentences conçues dans le ton dĂ©gagĂ©, goguenard et prudhomme Ă la fois de Pibrac, de Marculfe ou de Chatonnet, de produire une saveur analogue Ă celle de nos quatrains de moralitĂ©s ou de nos vieux proverbes en bouts-rimĂ©s. La rime est, aprĂšs tout, la jonglerie qui ressemble le plus au procĂ©dĂ© de CohĂ©let, Ă ces mots lancĂ©s en l'air, retombant, rattrapĂ©s avec une prestesse vertigineuse. Il mâa Ă©tĂ© impossible de faire comprendre autrement le tour funambulesque de certaines boutades transcendantes, surtout du morceau sur la vieillesse, sorte de joujou funĂšbre quâon dirait ciselĂ© par Banville ou ThĂ©ophile Gautier, et que je trouve supĂ©rieur mĂȘme aux Quatrains de KhayyĂąm. Pour le reste de lâouvrage, jâai cru, au moyen de petits couplets, touchant dâun cĂŽtĂ© Ă la platitude, de lâautre Ă la gaudriole, allant de La Palisse Ă Pibrac, jâai cru, dis-je, ĂȘtre dans le ton de mon original, tour Ă tour Ă©loquent et ironique, sĂ©rieux et railleur. Câest en pareil cas que lâon sent combien la traduction littĂ©rale peut ĂȘtre lĂ pire des trahisons. VoilĂ un morceau de haute volĂ©e littĂ©raire, dĂ©nuĂ© de toute intention dogmatique, que vous traduisez pĂ©dantesquement en lourde prose de thĂ©ologien, pour la plus grande satisfaction des scolastiques. Quel amer contre-sens ! Autant vaudrait tourner BĂ©ranger en homĂ©lie, ou mettre les Sermons de Bossuet en madrigaux. En somme, le livre CohĂ©let, tel quâil sort des vigoureux serres de la critique moderne, est un des ouvrages les plus charmants que nous ait lĂ©guĂ©s lâantiquitĂ©. Le plan a le dĂ©faut de toutes les fictions juives. Il nâest pas bĂąti dâune maniĂšre assez ferme. Le parti gĂ©nĂ©ral du livre, cette façon de dĂ©rouler la confession dâun vieux roi dĂ©goĂ»tĂ© de la vie, pour amener par toutes les voies la conclusion Tout est vanitĂ© », est indiquĂ© avec un rare bonheur ; il nâest pas suivi avec assez de persistance. Lâauteur se perd en des rĂ©flexions dont on ne voit pas le lien avec le thĂšme principal. Comme dans Le Livre de Job, il faut mettre de la complaisance pour ramener Ă lâunitĂ© cette divagation sans frein. Le manque dâunitĂ© est aussi le dĂ©faut quâon trouve au plus haut degrĂ© dans le Cantique des cantiques. Seuls, les Grecs ont su crĂ©er des Ćuvres logiques, parfaitement suivies, consĂ©quentes avec elles-mĂȘmes. Le simplex duntaxat et unum est la dĂ©couverte du gĂ©nie grec. Chaque composition hellĂ©nique est comme un temple, oĂč toutes les parties sont des fonctions les unes des autres, si bien quâon peut restituer le tout avec une seule de ses parties. Certes, il nâen est pas ainsi du CohĂ©let. Des chapitres entiers pourraient ĂȘtre retranchĂ©s sans que le tout en souffrit. La philosophie de l'auteur n'est pas non plus trĂšs rigoureusement enchaĂźnĂ©e. La consĂ©quence de ses prĂ©misses devrait ĂȘtre lâimpiĂ©tĂ©. ThĂ©odore de CyrĂšne, qui a tant de rapports avec lui, conclut, en effet, Ă lâathĂ©isme. Mais lâinconsĂ©quence de CohĂ©let a quelque chose de touchant. Aux deux ou trois endroits oĂč lâon croirait quâil va sâenfoncer dans le pur matĂ©rialisme, il se relĂšve tout Ă coup par un accent Ă©levĂ©. Cette façon de philosopher est la vraie. On ne fera jamais taire les objections du matĂ©rialisme. Il nây a pas dâexemple quâune pensĂ©e, un sentiment se soient produits sans cerveau ou avec un cerveau en dĂ©composition. Dâun autre cĂŽtĂ©, lâhomme nâarrivera point Ă se persuader que sa destinĂ©e soit semblable Ă celle de lâanimal. MĂȘme quand cela sera dĂ©montrĂ©, on ne le croira pas. Câest ce qui doit nous rassurer Ă penser librement. Les croyances nĂ©cessaires sont au-dessus de toute atteinte. LâhumanitĂ© ne nous Ă©coutera que dans la mesure oĂč nos systĂšmes conviendront Ă ses devoirs et Ă ses instincts. Disons ce que nous pensons ; la femme nâen continuera pas moins sa joyeuse cantilĂšne, lâenfant nâen deviendra pas plus soucieux, ni la jeunesse moins enivrĂ©e ; lâhomme vertueux restera vertueux ; la carmĂ©lite continuera Ă macĂ©rer sa chair, la mĂšre Ă remplir ses devoirs, lâoiseau Ă chanter, lâabeille Ă faire son miel. Dans ses plus grandes folies, CohĂ©let nâoublie pas le jugement de Dieu. Faisons comme lui. Au milieu de lâabsolue fluiditĂ© des choses, maintenons lâĂ©ternel. Sans cela, nous ne serions ni libres ni Ă lâaise pour le discuter. Les plus victimes, le lendemain du jour oĂč on ne croirait plus en Dieu, seraient les athĂ©es. On ne philosophe jamais plus librement que quand on sait que la philosophie ne tire pas Ă consĂ©quence. Sonnez, cloches, bien Ă votre aise ; plus vous sonnerez, plus je me permettrai de dire que votre gazouillement ne signifie rien de distinct. Si je craignais de vous faire taire, ah ! câest alors que je deviendrais timide et discret. Ce qui nous plaĂźt surtout dans le CohĂ©let, câest la personnalitĂ© de lâauteur. On ne fut jamais plus naturel ni plus simple. Son Ă©goĂŻsme est si franchement avouĂ©, quâil cesse de nous choquer. Ce fut certainement un homme aimable. Jâaurais eu mille fois plus de confiance en lui que dans tous les hasidim ses contemporains. La bontĂ© du sceptique est la plus solide de toutes ; elle repose sur un sentiment profond de la vĂ©ritĂ© suprĂȘme Nil expedit. Il paraĂźt quâil ne se maria pas. Câest la plus forte critique de son siĂšcle. De nos jours, il eĂ»t sĂ»rement trouvĂ© des femmes spirituelles et beaucoup moins mĂ©chantes quâil ne le croit, pour le consoler et lâaimer. Les femmes se fĂąchent rarement du mal quâon dit de leur sexe. Une certaine mauvaise humeur contre elles leur semble la preuve quâon sâoccupe dâelles ; or les femmes nâont vraiment de dĂ©dain et dâaversion que pour celui qui vit tranquillement dâautre chose quâelles. En leur disant quâon a tout trouvĂ© fade, on ne leur dĂ©plaĂźt pas absolument. Câest par lĂ que le CohĂ©let est un livre si profondĂ©ment moderne. Le pessimisme de nos jours y trouve sa plus fine expression. Lâauteur nous apparaĂźt comme un Schopenhauer rĂ©signĂ©, bien supĂ©rieur Ă celui quâun mauvais coup du sort a fait vivre dans les tables dâhĂŽte allemandes. CohĂ©let, comme nous, fait de la tristesse avec de la joie et de la joie avec la tristesse ; il ne conclut pas, il se dĂ©bat entre des contradictoires ; il aime la vie, tout en en voyant la vanitĂ©. Surtout, il ne pose jamais. Il ne se complaĂźt pas dans lâeffet quâil produit ; il ne se regarde pas maudissant lâexistence. Il est dâune parfaite sincĂ©ritĂ© en disant quâil a tout trouvĂ© frivole et creux. On aime Ă se le reprĂ©senter comme un homme exquis et de bonnes maniĂšres, comme un ancĂȘtre de quelque riche juif de Paris Ă©garĂ© en JudĂ©e du temps de JĂ©sus et des MacchabĂ©es. Ce que le CohĂ©let, en effet, est bien essentiellement et par excellence, câest le juif moderne. De lui Ă Henri Heine, il nây a quâune porte Ă entrâouvrir. Quand on le compare Ă Ălie, Ă JĂ©rĂ©mie, Ă JĂ©sus, Ă Jean de Gischala, on a peine Ă comprendre quâune mĂȘme race ait produit des apparitions si diverses. Quand on le compare Ă lâIsraĂ©lite moderne, que nos grandes villes commerçantes dâEurope connaissent depuis cinquante ans, on trouve une singuliĂšre ressemblance. Attendez deux mille ans, que la fiertĂ© romaine se soit usĂ©e, que la barbarie ait passĂ©, vous verrez combien ce fils des prophĂštes, ce frĂšre des zĂ©lotes, ce cousin du Christ, se montrera un mondain accompli ; comme il sera insoucieux dâun paradis auquel le monde a cru sur sa parole ; comme il entrera avec aisance dans les plis de la civilisation moderne ; comme il sera vite exempt du prĂ©jugĂ© dynastique et fĂ©odal ; comme il saura jouir dâun monde quâil nâa pas fait, cueillir les fruits dâun champ quâil nâa pas labourĂ©, supplanter le badaud qui le persĂ©cute, se rendre nĂ©cessaire au sot qui le dĂ©daigne. Câest pour lui, vous le croiriez, que Clovis et ses Francs ont frappĂ© de si lourds coups dâĂ©pĂ©e, que la race de Capet a dĂ©roulĂ© sa politique de mille ans, que Philippe-Auguste a vaincu Ă Bouvines, et CondĂ© Ă Rocroi. VanitĂ© des vanitĂ©s ! Oh ! la bonne condition pour conquĂ©rir les joies de la vie que de les proclamer vaines ! Nous lâavons tous connu, ce sage selon la terre, quâaucune chimĂšre surnaturelle nâĂ©gare, qui donnerait tous les rĂȘves dâun autre monde pour les rĂ©alitĂ©s dâune heure de celui-ci ; trĂšs opposĂ© aux abus et pourtant aussi peu dĂ©mocrate que possible ; avec le pouvoir Ă la fois souple et fier ; aristocrate par sa peau fine, sa susceptibilitĂ© nerveuse et son attitude dâhomme qui a su Ă©carter de lui le travail fatigant, bourgeois par son peu dâestime pour la bravoure guerriĂšre et par un sentiment dâabaissement sĂ©culaire dont sa distinction ne le sauve point. Lui qui a bouleversĂ© le monde par sa foi au royaume de Dieu, ne croit plus quâĂ la richesse. Câest que la richesse est, en effet, sa vraie rĂ©compense. Il sait travailler, il sait jouir. Nulle folle chevalerie ne lui fera Ă©changer sa demeure luxueuse contre la gloire pĂ©rilleuse-ment acquise ; nul ascĂ©tisme stoĂŻque ne lui fera quitter la proie pour lâombre. Lâenjeu de la vie est selon lui tout entier ici-bas. Il est arrivĂ© Ă la parfaite sagesse jouir en paix, au milieu des Ćuvres dâun art dĂ©licat et des images du plaisir quâon a Ă©puisĂ©, du fruit de son travail. Surprenante confirmation de la philosophie de vanitĂ© ! Allez donc troubler le monde, faire mourir Dieu en croix, endurer tous les supplices, incendier trois ou quatre fois votre patrie, insulter tous les tyrans, renverser toutes les idoles, pour finir dâune maladie de la moelle Ă©piniĂšre, au fond dâun hĂŽtel bien capitonnĂ© du quartier des Champs-ĂlysĂ©es, en regrettant que la vie soit si courte et le plaisir si fugitif. VanitĂ© des vanitĂ©s ! TABLE Note de l'Ă©diteur. 7LâEcclĂ©siaste. 11Ăpilogue. 63Ătude sur le plan, l'Ăąge et le caractĂšre du livre. 67 â L'auteur se dĂ©signe lui-mĂȘme Ă mots couverts. â Comparez Prov, I, 1. â Prov, ch. XXX et XXXL â Ch. XII, 8. La traduction syriaque a partout Qouhalto. â OrigĂšne, dans EusĂšbe, Hist, eccl, VI, 25. â Câest Ă tort que lâon a voulu considĂ©rer ces formes bizarres comme une altĂ©ration du texte ancien. Cf. Graf, Der Prophet Jeremia. â Voir Mission de PhĂ©nicie. â Le seul passage du livre qui ait en apparence un accent de piĂ©tĂ© XII prĂȘte Ă de grands doutes. M. GrĂŠtz soupçonne BorĂ©ka de signifier tout autre chose que ton crĂ©ateur ». â Un iad ou massĂ©bet, IsaĂŻe, LVI, 3 et suiv. Câest lâidĂ©e du massĂ©bet bahaĂŻm, cippe parmi les vivants », des inscriptions phĂ©niciennes. V. Corpus inscr, semit., le part., n° 58, 59. â Judaea gens contumelia numinum insignis. Pline, Hist. nat., XIII, 4 9. â Hou el-bĂąqi des musulmans. â Cantique dâĂzĂ©chias, dans IsaĂŻe, ch. XXXVIII, 9 et suiv. ; Ps. VI, 6 ; CXIV, 17 ; Eccl., XII. â II Petri. III,13. â Il est remarquable que les premiers docteurs chrĂ©tiens qui essayent dâamalgamer le christianisme avec la philosophie grecque, saint Justin et Tatien, ne croient nullement Ă l'Ă©ternitĂ© de lâĂąme. Pour eux, lâĂąme est essentiellement mortelle. Dieu la rend immortelle par une faveur et une sorte de miracle. Il faut noter que Justin et Tatien Ă©taient des Syriens. Voir Marc-AurĂšle, p. 111. â Job, VII, 15. â Chap. XXXVIII. â Voir Vie de JĂ©sus, ch. XIII. â Se le reprĂ©senter par l'inscription des Beni-Hezir, prĂšs de JĂ©rusalem, Ă peu prĂšs contemporaine de JĂ©sus-Christ. â Saint JĂ©rĂŽme, Ad Pammachium, de optimo genere interpretandi, Opp., IV, 2e partie, p. 255 Martianay. â Ch. VI, 59, cum seculo, qui est sĂ»rement la traduction de sun ton aiĂŽna. Voir L'Ăglise chrĂ©tienne. â Le mot medina pour dĂ©signer une province, et le fait d'esclaves gouverneurs et hauts fonctionnaires, seraient plutĂŽt caractĂ©ristiques de l'Ă©poque perse ; mais l'Ă©tat administratif de l'Orient n'a jamais beaucoup variĂ©. â Qu'on se rappelle toutes ces Ăšres de villes autonomes qui datent, en Syrie, de l'an 125 Ă peu prĂšs â Aucun des exemples allĂ©guĂ©s par M. GrĂŠtz ne me paraĂźt dĂ©cisif. â DiogĂšne LaĂ«rte, II, 86 ; VI, 97. â Voir 'Les Ăvangiles â Les traces qu'on en a cru voir dans le Testament des douze patriarches Nepht., 2, 8 et dans saint Justin Apol. I, c. 57 ; Dial., c. 6 sont plus que douteuses. La phrase banale, Eccl., XII, 13, se retrouve dans le Pasteur d'Hermas, mand. VII, init. ; mais il n'est nullement probable que ce soit lĂ un emprunt fait au livre pseudo-salomonien. â Pitra, Spicil, Solesm., I. â Ut eam ad contemptum istius seculi provocarem et omne quod in mundo cerneret putaret esse pro nihilo. PrĆf, in Eccl, ad Paulam et Eust, Opp, t. II. Martianay. â KohĂ©let, oder der salomonische Prediger, Leipzig et Heidelberg, 1871. â Revue des Ă©tudes juives, 1re annĂ©e, no 2, p. 184-185. â Seul le chapitre XV de notre traduction rĂ©siste Ă tous les efforts bienveillants que lâon fait pour ne pas avouer que lâauteur sâest endormi en lâĂ©crivant.
Danstous vos actes, louez-moi. Dans tout ce que vous faites, exaltez-moi. Dans tout ce que vous faites, vivez cette passion pour ma suprĂ©matie, » ce qui signifie simplement que la passion de Dieu pour ĂȘtre glorifiĂ© et votre passion pour vous rĂ©jouir et ĂȘtre satisfait ne sont pas en dĂ©saccord. Ils vont de pair.
PAROLES DE COHĂLET, FILS DE DAVID, ROI DE JĂRUSALEM. I VanitĂ© des vanitĂ©s, disait CohĂ©let ; vanitĂ© des vanitĂ©s ; tout est vanitĂ© ! Quel profit lâhomme retire-t-il des peines quâil se donne sous le soleil ? Une gĂ©nĂ©ration sâen va ; une gĂ©nĂ©ration lui succĂšde ; la terre cependant reste Ă sa place. Le soleil se lĂšve ; le soleil se couche ; puis il regagne en hĂąte le point oĂč il doit se lever de nouveau. TantĂŽt soufflant vers le sud, ensuite passant au nord, le vent tourne, tourne sans cesse, et revient Ă©ternellement sur les cercles quâil a dĂ©jĂ tracĂ©s. Tous les fleuves se jettent dans la mer, et la mer ne regorge pas, et les fleuves reviennent au lieu dâoĂč ils coulent pour couler encore. Tout est difficile Ă expliquer ; lâhomme ne peut rendre compte de rien ; lâĆil ne se rassasie pas Ă force de voir ; lâoreille ne se remplit pas Ă force dâentendre. Ce qui a Ă©tĂ©, câest ce qui sera ; ce qui est arrivĂ© arrivera encore. Rien de nouveau sous le soleil. Quand on vous dit de quelque chose Venez voir, câest du neuf », nâen croyez rien ; la chose dont il sâagit a dĂ©jĂ existĂ© dans les siĂšcles qui nous ont prĂ©cĂ©dĂ©s. Les hommes dâautrefois nâont plus chez nous de mĂ©moire ; les hommes de lâavenir nâen laisseront pas davantage chez ceux qui viendront aprĂšs eux. II Moi, CohĂ©let, jâai Ă©tĂ© roi sur IsraĂ«l, Ă JĂ©rusalem. La premiĂšre application que je fis de mon esprit fut de rechercher et dâexaminer avec soin tout ce qui se passe sous le soleil. Jâarrivai bientĂŽt Ă reconnaĂźtre que câest la pire des occupations que Dieu ait donnĂ©es aux fils dâAdam pour sây user. Ayant vu, en effet, toutes les choses qui se font sous le soleil, je nây trouvai que vanitĂ© et pĂąture de vent. On ne peut redresser ce que Dieu crĂ©a courbe, Ni faire quelque chose avec ce qui nâest pas. Je me disais en moi-mĂȘme Me voilĂ grand ; jâai accumulĂ© plus de science quâaucun de ceux qui ont vĂ©cu avant moi dans JĂ©rusalem ; mon intelligence a vu le fond de toute chose ; jâai appliquĂ© mon esprit Ă connaĂźtre la sagesse et Ă la discerner de la folie. » Jâappris bien vite que cela aussi est pĂąture de vent ; car Qui thĂ©saurise la sagesse ThĂ©saurise aussi la tristesse,Et trop de science entasserCâest mauvaise humeur amasser. III Alors je me dis Ă moi-mĂȘme Voyons, essayons de la joie ; goĂ»tons le plaisir. » Je devais reconnaĂźtre que cela aussi est vanitĂ© ; car bientĂŽt Au rire je dis Folie !»Au plaisir Que me veux-tu ? » Je rĂ©solus, dis-je, en mon cĆur de demander au vin le bien-ĂȘtre de ma chair et, sans renoncer pour cela Ă mes projets de sagesse, dâadhĂ©rer momentanĂ©ment Ă la folie, jusquâĂ ce que jâeusse dĂ©couvert ce qui vaut le mieux pour les fils dâAdam, entre tant dâoccupations diverses auxquelles ils se livrent sous le soleil durant les jours de leur vie. Je fis de grandes Ćuvres ; je me bĂątis des palais ; je me plantai des vignes ; je me construisis des jardins et des parcs ; jây plantai des arbres fruitiers de toute sorte ; je fis creuser des rĂ©servoirs dâeau pour arroser mes bois de haute futaie ; jâachetai des esclaves des deux sexes ; si bien que le nombre des enfants de ma maison, de mes bĆufs et de mes brebis surpassa celui que personne eĂ»t jamais possĂ©dĂ© avant moi Ă JĂ©rusalem. En mĂȘme temps, jâentassai dans mes trĂ©sors lâargent, lâor, lâĂ©pargne des rois et des provinces ; je me procurai des troupes de chanteurs et de chanteuses et toutes les dĂ©lices des fils dâAdam de quelque genre que ce fĂ»t. Ainsi je devins plus grand et jâamassai plus de bien que tous ceux qui avaient Ă©tĂ© avant moi Ă JĂ©rusalem, sans que pour cela ma sagesse mâabandonnĂąt. Et je ne refusai Ă mes yeux rien de ce quâils souhaitĂšrent, je nâinterdis Ă mon cĆur aucune joie. AprĂšs tout, me disais-je, je ne fais que jouir de ce que jâai gagnĂ© par mon travail ; ces plaisirs sont la rĂ©compense des peines que je me suis donnĂ©es. » Puis, mâĂ©tant mis Ă considĂ©rer les Ćuvres de mes mains et les travaux auxquels je mâĂ©tais livrĂ©, je reconnus que tout est vanitĂ© et pĂąture de vent, que rien nâest profit solide sous le soleil. IV Je me pris alors Ă Ă©tudier quelle diffĂ©rence il peut y avoir entre la sagesse dâune part, la folie et la sottise de lâautre. Car, me disais-je, quel homme venant aprĂšs un roi peut refaire les expĂ©riences quâil a faites ? » Je crus dâabord que la supĂ©rioritĂ© de la sagesse sur la sottise est comme la supĂ©rioritĂ© de la lumiĂšre sur les tĂ©nĂšbres. Le sage a des yeux dans sa tĂȘte, Et le fou marche dans la nuit. Or bientĂŽt je vis quâune mĂȘme fin est rĂ©servĂ©e Ă tous les deux. Et je pensai en moi-mĂȘme Si la destinĂ©e qui mâattend est la mĂȘme que celle du fou, que me sert alors dâavoir travaillĂ© sans relĂąche Ă augmenter ma sagesse ? » Et je dis en mon cĆur Encore une vanitĂ©. » Il nây a pas plus de souvenir Ă©ternel pour le sage que pour le fou. Dans ce qui sera le passĂ© des jours Ă venir, tout sera oubliĂ©. Comment se fait-il que le sage et le fou meurent de la mĂȘme maniĂšre ?... Ces rĂ©flexions me firent prendre la vie en haine ; jâeus de lâaversion pour tout ce qui se passe sous le soleil, voyant que tout est vanitĂ© et pĂąture de vent. Et je pris en dĂ©goĂ»t les travaux auxquels je mâĂ©tais livrĂ© sous le soleil, songeant quâil faudrait en laisser le fruit Ă lâhomme qui me succĂ©dera. Or cet homme, qui sait sâil sera sage ou fou ? Et câest cet homme-lĂ qui sera le maĂźtre de tout ce que jâai gagnĂ© par les travaux que jâai menĂ©s Ă fin avec tant de labeur et de sagesse sous le soleil ! Encore une fois, vanitĂ© ! Je me pris donc Ă nâavoir que du dĂ©goĂ»t au cĆur pour tous les travaux auxquels je mâĂ©tais livrĂ© sous le soleil. VoilĂ un homme dont la vie laborieuse a Ă©tĂ© un chef-dâĆuvre de sagesse, de savoir et de bonne fortune, eh bien, il laisse tout ce quâil a gagnĂ©, sa juste part, Ă quelquâun qui nây a Ă©tĂ© pour rien. Quelle vanitĂ© ! Quel abus ! car enfin que revient-il ainsi Ă cet homme-lĂ de toutes les peines et de tous les soucis quâil sâest donnĂ©s sous le soleil ? Ses jours ont Ă©tĂ© pleins dâennui ; lâinquiĂ©tude a Ă©tĂ© son Ă©tat habituel ; mĂȘme la nuit son esprit ne dormait pas. Ă vanitĂ© ! Ne vaut-il donc pas mieux pour lâhomme, manger, boire, goĂ»ter Ă son aise le plaisir conquis au prix de son travail ? Jâarrivai mĂȘme Ă penser que ce genre de bonheur nous vient de la main de Dieu. Si lâon mange, si lâon boit, nâest-ce pas grĂące Ă lui ? Il donne Ă celui qui lui plaĂźt sagesse, intelligence et joie ; Ă celui qui encourt sa disgrĂące il assigne la besogne dâamasser, dâentasser des richesses quâil donne ensuite Ă celui qui lui plaĂźt. Donc, encore une fois VanitĂ© ! pĂąture de vent ! V Il y a temps pour tout, et chaque chose sous le ciel a son heure Temps de naĂźtre et temps de mourir, Temps de tuer, temps de guĂ©rir, Temps de planter, temps de dĂ©truire, Temps de bĂątir, temps dâarracher, Temps de gĂ©mir, temps de danser, Temps de pleurer et temps de dâassembler les blocs, temps de les disperser, Temps dâaimer les baisers et temps de les maudire, Temps de poursuivre un rĂȘve ou de se dâinterdire, Temps dâaimer un objet, temps de le repousser. Temps oĂč lâon coud, oĂč lâon dĂ©chire, Temps oĂč lâon garde, oĂč lâon se tait, Temps oĂč lâon hait, oĂč lâon soupire, Temps de la guerre et temps de paix. Que reste-t-il donc Ă lâhomme, des peines quâil a prises ? Jâai vu toutes les occupations que Dieu a donnĂ©es aux fils dâAdam pour quâils sây abrutissent. Il a fait toute chose bonne Ă son heure ; le monde, il le dĂ©roule devant les hommes, mais de façon que, dâun bout Ă lâautre, ils ne puissent rien comprendre Ă ses desseins. Donc, conclus-je alors, il nây a quâune seule chose bonne pour lâhomme, câest de se rĂ©jouir et de goĂ»ter le bonheur pendant quâil vit. Oui, quand un homme mange, boit, jouit du bien-ĂȘtre acquis par son travail, cela est un don de Dieu. Je vis clairement que tout ce que Dieu a fait restera Ă©ternellement tel quâil lâa fait. Rien nây peut ĂȘtre ajoutĂ© ; on nâen saurait rien retrancher. Tout cela, Dieu lâa fait pour quâon le craigne. Le passĂ© a existĂ© dans un passĂ© antĂ©rieur ; lâavenir a dĂ©jĂ Ă©tĂ© ; Dieu recherche, pour le faire ĂȘtre encore, ce qui semblait avoir fui pour jamais. VI Jâai vu une autre chose sous le soleil câest le mĂ©chant assis au lieu oĂč se rendent les jugements et lâiniquitĂ© trĂŽnant sur le siĂšge de justice. Dieu, me suis-je dit dâabord, jugera le juste et le mĂ©chant ; car il a fixĂ© un temps Ă toute chose. » Mais bientĂŽt jâai reconnu que les enfants dâAdam ne sont pas aussi privilĂ©giĂ©s de Dieu quâils le paraissent et quâils nâont en rĂ©alitĂ© aucune supĂ©rioritĂ© sur lâanimal. Car la destinĂ©e des enfants dâAdam et celle des animaux sont une seule et mĂȘme chose. La mort des uns, câest la mort des autres ; il nây a quâun mĂȘme souffle en tout ; la supĂ©rioritĂ© de lâhomme sur lâanimal nâexiste pas ; tout est vanitĂ©. Tout va vers un mĂȘme lieu. Tout est venu de la poussiĂšre et tout retourne Ă la poussiĂšre. Qui sait si, tandis que le souffle des enfants dâAdam monte en haut, le souffle de lâanimal descend en bas, vers la terre ? Je me confirmai donc dans cette pensĂ©e quâil nây a pour lâhomme quâune seule chose vraiment bonne, câest de jouir lui-mĂȘme du fruit de ses Ćuvres ; câest lĂ son vrai lot en effet, aprĂšs sa mort, qui le ramĂšnera pour voir comment les choses se passeront ? VII Et je me remis Ă observer, et je vis les actes dâoppression qui se passent sous le soleil. Partout des opprimĂ©s baignĂ©s de larmes, et personne pour les consoler ! Des gens suppliant quâon les tire des mains de ceux qui les oppriment, et personne pour les dĂ©livrer Alors je fĂ©licitai les morts et je prĂ©fĂ©rai le sort de ceux qui ont disparu avant nous au sort des vivants dont lâexistence sâest prolongĂ©e jusquâĂ prĂ©sent. Plus heureux que les uns et que les autres me parurent ceux qui nâont jamais existĂ©, puisquâils nâont pas vu les choses qui se passent sous le soleil. Je compris que tout effort, tout succĂšs se rĂ©sume en jalousie, en dĂ©sir de surpasser son semblable. Encore une vanitĂ©, une pĂąture de vent ! LâinsensĂ© se croise les mains Et vit de sa propre substance. Mieux vaut une poignĂ©e de bonheur calme que les deux mains pleines de labeur et de vains soucis. VIII Autre vanitĂ© que jâai vue sous le soleil un homme seul, qui nâa personne pour lui succĂ©der[1], ni fils ni frĂšre, et il travaille tout de mĂȘme sans relĂąche, et son Ćil ne se rassasie pas de voir affluer chez lui les richesses. Eh ! pour qui donc travaillĂ©-je, se dit-il parfois, et privĂ©-je mon Ăąme de tout plaisir ? » Encore une vanitĂ©, une triste chose ! Deux valent mieux quâun ; car, quand deux sont associĂ©s, leur travail a sa rĂ©compense. Si lâun des deux tombe, lâautre le relĂšve ; mais malheur Ă lâhomme seul ! Sâil tombe, il nâa pas de second pour le relever. Si deux sont couchĂ©s ensemble, ils ont chaud ; mais lâhomme seul, comment se rechauffera-t-il ? Quand le brigand sâattaque au voyageur qui a un compagnon, tous deux se rĂ©unissent pour lui tenir tĂȘte. Le fil tressĂ© de trois brins ne se rompt pas vite. IX Mieux vaut un garçon pauvre et avisĂ© quâun vieux roi absurde, qui ne sait plus se laisser Ă©clairer. Tel passe en un moment de la prison au trĂŽne ; Tel est nĂ© misĂ©rable en ses futurs Ă©tats. Jâai vu tout le monde sâempresser Ă la suite du jeune hĂ©ritier qui doit succĂ©der au vieux roi. Infinis ont Ă©tĂ© les maux quâon a soufferts dans le passĂ© ; mais, dans lâavenir, on nâaura pas plus Ă se rĂ©jouir de celui-ci... Toujours vanitĂ© et pĂąture de vent! X Observe bien tes pas quand tu vas Ă la maison de Dieu. Mieux vaut lâobĂ©issance Ă la loi que les sacrifices des sots qui ne savent que faire le mal. RĂ©prime les empressements de ta bouche, et que ton cĆur ne se hĂąte pas de profĂ©rer des promesses en prĂ©sence de Dieu ; car Dieu est dans le ciel, et, toi, tu es sur la terre. Que tes paroles soient donc en petit nombre. Les songes, en effet, viennent Ă tout propos, La voix du sot se perd en un flot de paroles. Quand tu as fait un vĆu Ă Dieu, ne tarde pas Ă lâaccomplir ; Dieu nâaime pas les sots. Acquitte ce que tu as vouĂ© ; mieux vaut ne pas faire de vĆux que dâen faire et de ne pas les accomplir. Ne permets pas Ă ta propre bouche de te constituer pĂ©cheur, et ne te mets pas en situation dâĂȘtre obligĂ© de dire Ă lâenvoyĂ© des prĂȘtres CâĂ©tait une erreur », de peur que Dieu ne sâirrite et quâil nâanĂ©antisse lâĆuvre de tes mains. Tous ces songes nâaboutissent quâĂ un tas de paroles vaines ; crains plutĂŽt Dieu ! XI Si tu vois dans la province le pauvre opprimĂ© et la rapine prendre la place de la justice et du jugement, ne tâen Ă©tonne pas ; câest que les grands sont surveillĂ©s par des grands et quâau-dessus dâeux il y a des grands encore. Lâexcellence de la terre se montre en tout ; le roi mĂȘme est soumis aux champs. Celui qui aime lâargent est insatiable dâargent ; celui qui aime lâopulence nâen goĂ»te pas toujours les fruits. Quelle vanitĂ© encore ! Quand sâaugmente la fortune, se multiplient ceux qui la grugent et le propriĂ©taire nâen tire dâautre avantage que de voir la chose de ses yeux. Doux est le sommeil du laboureur, quâil mange peu ou beaucoup, tandis que la satiĂ©tĂ© ne permet pas au riche de dormir. XII Il y a un travers bizarre que jâai vu sous le soleil câest la richesse quâun possesseur jaloux garde soigneusement pour son hĂ©ritier. Que cette richesse vienne Ă pĂ©rir par quelque accident et le fils quâil a mis au monde a les mains vides. Quant Ă lui, sorti nu du sein de sa mĂšre, il sâen va tel quâil est venu, et il nâest pas une parcelle du fruit de son travail quâil puisse emporter dans sa main. Oui, câest lĂ un travers bizarre. De la mĂȘme façon quâil est venu, il sâen ira... Quel profit lui revient-il dâavoir travaillĂ© pour le vent ? Tous ses jours se sont passĂ©s sombres et tristes ; il a Ă©normĂ©ment peinĂ© ; sa vie nâa Ă©tĂ© quâimpatience. Mon avis est donc que le meilleur parti pour lâhomme est de manger, de boire et de jouir du fruit des peines quâil sâest donnĂ©es sous le soleil, durant le nombre de jours que Dieu lui a comptĂ©. VoilĂ son vrai lot. Toutes les fois que Dieu accorde Ă un homme des richesses, des trĂ©sors, et quâil lui permet dâen goĂ»ter, dâen prendre sa part, de se rĂ©jouir du fruit de son travail, il faut regarder cela comme un don de Dieu. Lâhomme, en effet, cesse de penser Ă la briĂšvetĂ© des jours de sa vie tout le temps que Dieu tient son cĆur en joie. XIII Encore un mal que jâai vu sous le soleil et qui pĂšse lourdement sur lâhumanitĂ©. Câest le cas dâun homme Ă qui Dieu a donnĂ© richesse, trĂ©sors, honneurs, qui ne manque de rien de ce quâil dĂ©sire, et Ă qui Dieu ne permet pas de jouir de sa fortune, si bien quâun Ă©tranger mange le tout Ă sa place. VoilĂ une vanitĂ© et un abus Ă©trange ! Quand mĂȘme un homme donnerait le jour Ă cent fils et quâil vĂ©cĂ»t des annĂ©es aussi nombreuses que lâon voudra, sâil ne goĂ»te aucun plaisir, et quâaprĂšs sa mort il nâait pas de sĂ©pulture, je dis que le sort de lâavorton vaut mieux que le sien. Lâavorton est venu dans le vide, il sâen va dans les tĂ©nĂšbres ; son nom est recouvert Ă jamais par la nuit ; il nâa pas vu le soleil. Mieux vaut son sort que celui de cet homme. Lors mĂȘme quâon vivrait deux fois mille ans, si avec cela on ne jouit dâaucun plaisir, quâest-ce que cela ? Toutes les choses nâaboutissent-elles pas au mĂȘme terme ? XIV Lâhomme ne travaille que pour sa bouche et nâarrive pas encore Ă se rassasier. Quel avantage a le sage sur le fou ? Que revient-il Ă lâhomme modeste qui sâapplique Ă marcher avec sagesse devant les vivants ? Mieux vaut vivre Ă sa guise que de sâextĂ©nuer. Trop de vertu est aussi une vanitĂ©, une pĂąture de vent. Tout ce qui existe est dĂ©terminĂ© avant dâexister; tel ĂȘtre a Ă©tĂ© prĂ©destinĂ© Ă naĂźtre homme ; il ne pourra pas tenir tĂȘte Ă plus fort que lui. XV Il y a une sagesse qui sâen va rĂ©pĂ©tant Ă tout propos VanitĂ© !... quel profit pour lâhomme ?... Qui sait ce qui est bon pour lâhomme durant le petit nombre de jours quâil passe parmi les vivants, jours frivoles qui fuient comme une ombre ?... Qui peut enseigner Ă lâhomme ce qui aprĂšs lui se passera sous le soleil ? » Mieux vaut un bon renom que lâhuile parfumĂ©e ; Mieux vaut le dernier jour que le jour oĂč lâon naĂźt. Mieux vaut aller Ă la maison des pleurs QuâĂ la maison oĂč se donne la fĂȘte A tous la mĂȘme fin sâapprĂȘte; Vivants, rentrez donc en vos cĆurs. Mieux vaut le souci que le rire ;La tristesse du front est bonne pour le cĆur. Le sage toujours pense Ă la maison de deuil; Le fou ne sait rĂȘver quâĂ la maison de joie. Mieux vaut le ton grondeur du sage Que la chanson de lâinsensĂ©. Les rires de lâĂ©cervelĂ© Ressemblent au bruit du feuillage Qui crĂ©pite sous le trĂ©pied. Eh bien, cela aussi est vanitĂ© ; Lâoppression fait dâun sage un fou, Et perd le cĆur le plus vaut la fin que le commencement ; Lâattente rĂ©ussit mieux que lâemportement. Ne sois donc pas prompt Ă tâemporter ; car DĂ©pit, au sein des fous, Ă©lit son domicile. XVI Garde-toi de dire Comment se fait-il que les jours dâautrefois valaient mieux que ceux dâĂ prĂ©sent ? » Une pareille question nâest rien moins que sage. Sagesse vaut richesse pendant quâon voit le soleil. Lâabri que procure la sagesse vaut lâabri que donne lâargent, et la sagesse a un avantage, câest quâelle procure longue vie Ă celui qui la possĂšde. ConsidĂšre lâĆuvre de Dieu ; Qui peut redresserCe quâil a fait courbe ? Au jour du bonheur, sois en joie et, au jour du malheur, considĂšre que Dieu a fait le bien comme le mal ; jouis du prĂ©sent ; lâhomme, en effet, une fois mort, ne trouvera rien aprĂšs lui. XVII Jâai vu tout arriver dans les jours de ma vaine existence. Tel juste pĂ©rit nonobstant sa justice ; et tel scĂ©lĂ©rat coule de longs jours nonobstant sa scĂ©lĂ©ratesse. Ne sois pas trop juste et nâaffecte pas trop de sagesse, de peur dâĂȘtre un niais. Ne sois pas non plus trop mĂ©chant, ne va pas jusquâĂ la folie, de peur que tu ne meures avant le temps. La perfection câest, tout en sâattachant Ă un principe, de ne pas lĂącher le principe opposĂ© ; par la crainte de Dieu on sort de tous les embarras. La sagesse est pour le sage une force supĂ©rieure Ă ce que sont dix capitaines pour une ville. Il nây a pas dâhomme juste sur la terre ; pas un seul qui fasse le bien et ne pĂšche pas. Laisse donc, sans les remarquer, bien des choses qui se disent. Par exemple, quand ton esclave profĂšre des malĂ©dictions contre toi, garde-toi d'entendre ; songe en toi-mĂȘme que souvent aussi il tâest arrivĂ© de profĂ©rer des malĂ©dictions contre les autres. Jâai examinĂ© tout cela en sage, me disant sans cesse Allons, plus de sagesse encore ! » Et voilĂ que la sagesse est toujours restĂ©e loin de moi Qui peut saisir lâobjet que le lointain dĂ©robe ? Qui peut toucher le fond de lâabĂźme sans fond ? XVIII Or, dans cette investigation universelle, dans cette recherche pour trouver ce qui est le parti le plus sage et le plus avisĂ©, dans cet examen qui fit passer devant mes yeux toutes les malices, toutes les insanitĂ©s, toutes les absurditĂ©s, toutes les folies, jâai trouvĂ© quelque chose de plus amer que la mort câest la femme dont le cĆur est un lac, un filet, et dont les mains sont des chaĂźnes. Celui qui plaĂźt Ă Dieu se sauve dâelle ; le disgraciĂ© de Dieu sây laisse prendre. Voyez, ceci est le rĂ©sultat de mon expĂ©rience, dit le CohĂ©let. En les prenant toutes une Ă une, pour dresser la longue liste des choses que jâai cherchĂ©es sans les avoir trouvĂ©es, je crois que jâai bien trouvĂ© un homme sur mille ; mais une femme parmi toutes celles que jâai connues, je nâen ai pas trouvĂ© une seule ! Tenez, voici ce que jâai trouvĂ© câest que Dieu a fait la nature humaine droite, et que ce sont les hommes qui inventent des roueries sans fin. » XIX Oh ! la belle chose quâun sage ! Heureux qui sait le mot de tout !La sagesse dâun homme Ă©claire son visage, Tandis que lâinsolent est bien prĂšs dâĂȘtre un fou. Aie les yeux fixĂ©s sur la bouche du roi, pour lui obĂ©ir, comme si tu en avais prĂȘtĂ© le serment Ă Dieu. Ne sors pas prĂ©cipitamment de sa prĂ©sence ; ne persiste pas avec lui dans des propos dĂ©sagrĂ©ables ; car il fait tout ce quâil veut. Un mot dâun roi, câest une force ; Qui peut lui dire Que fais-tu ? » Celui qui exĂ©cute bien lâordre quâil a reçu ne connaĂźtra pas la disgrĂące. Un esprit sage sait discerner le moment favorable et la maniĂšre de sây prendre ; car, en toute chose, il y a le moment favorable et la maniĂšre de sây prendre. Ce qui rend la condition de lâhomme si mauvaise, câest quâil ignore ce qui doit arriver et que nul ne peut lui indiquer comment les choses se passeront. Personne nâa pouvoir sur le vent pour emprisonner le vent ; personne nâa pouvoir sur le jour de la mort, ni assurance de sâĂ©chapper le jour de la bataille. MĂȘme la richesse, Ă ces moments-lĂ , ne sauve pas toujours son propriĂ©taire. XX Jâai vu tout cela et jâai appliquĂ© ma pensĂ©e aux faits qui arrivent sous le soleil, dans un temps oĂč lâhomme ne domine sur lâhomme que pour lui faire du mal. Ainsi jâai vu des enterrements de scĂ©lĂ©rats. Le convoi est en marche, sâĂ©loigne en procession du lieu saint, et on entend faire lâĂ©loge de ces misĂ©rables dans la ville oĂč ils ont commis leurs mĂ©faits. Encore une vanitĂ© ! Câest parce que prompte justice nâest pas faite du mal que les hommes sont enhardis Ă pratiquer le mal. Tel pĂ©cheur qui a commis cent crimes arrive Ă un Ăąge avancĂ©, et cependant on mâa enseignĂ© que le bonheur est rĂ©servĂ© Ă ceux qui craignent Dieu, pour leur apprendre Ă le craindre ; que le bonheur ne saurait ĂȘtre le partage du mĂ©chant ; que celui-ci ne vit pas longtemps ; que ses jours sont comme une ombre et cela parce quâil ne craint pas Dieu. Est-il un renversement comparable Ă celui-ci des justes qui sont traitĂ©s selon les Ćuvres des mĂ©chants, des mĂ©chants qui sont traitĂ©s selon les Ćuvres des justes ? Encore une vanitĂ© ! », me suis-je dit. Alors jâai chantĂ© un hymne Ă la joie, puisquâil nây a rien de bon pour lâhomme sous le soleil que de manger, de boire, de se rĂ©jouir, et que câest lĂ tout ce qui lui reste des travaux auxquels il sâest livrĂ© durant les jours de vie que Dieu lui a donnĂ©s sous le soleil. Cherchant la vĂ©ritĂ©, poursuivant ma tentative de savoir tout ce qui se passe sur la terre, je vis ainsi les Ćuvres de Dieu passer sous mon regard et je reconnus que lâhomme, quand mĂȘme jour et nuit il refuserait le sommeil Ă ses yeux, ne saurait arriver Ă la comprĂ©hension de ce qui arrive sous le soleil. Non, quelque effort, quelque recherche quâil fasse, il nây arrivera jamais, et tel savant qui prĂ©tend en savoir quelque chose en rĂ©alitĂ© nây comprend rien. XXI J'ai donc rĂ©flĂ©chi Ă tout cela, et le fruit de mes rĂ©flexions a Ă©tĂ© que le sort des justes et des sages, comme celui de tout le monde, est, quoi quâils fassent, dans la main de Dieu. Amour et haine sont Ă©galement frivoles. Lâhomme ne sait rien ; tout ce qui le touche est vanitĂ©. Il nây a, en effet, quâune mĂȘme destinĂ©e pour tous, pour le juste comme pour le mĂ©chant, pour lâhomme vertueux comme pour lâimpie, pour celui qui est pur comme pour celui qui est souillĂ©, pour celui qui sacrifie comme pour celui qui ne sacrifie pas. Le meilleur des hommes est traitĂ© comme le pĂ©cheur, le parjure comme celui qui respecte le serment. VoilĂ le plus grand mal quâil y ait sous le soleil, câest quâil nây ait quâune mĂȘme destinĂ©e pour tous. VoilĂ pourquoi lâĂąme des enfants dâAdam est pleine de mĂ©chancetĂ©. La folie habite leur cĆur pendant leur vie ; aprĂšs cela, ils sâen vont chez les morts. Or cela vaut-il mieux ? Non. Les vivants au moins ont lâespoir. Un chien vivant vaut mieux quâun lion mort. Les vivants savent quâils mourront tandis que les morts ne savent rien. Pour eux, plus de rĂ©compense, car leur mĂ©moire est oubliĂ©e. Leurs amours, leurs haines, leurs rivalitĂ©s ont pĂ©ri depuis longtemps, et il nây a plus dĂ©sormais de part pour eux en tout ce qui se fait sous le soleil. Or sus donc ! mange ton pain en liesse, bois ton vin en bonne humeur, puisque Dieu a fait prospĂ©rer tes affaires. Que toujours tes habits soient blancs, que les parfums ne cessent de couler sur ta tĂȘte. Savoure la vie avec la femme que tu aimes, tous les jours de ce court passage que Dieu tâa donnĂ© dâaccomplir sous le soleil, tous les jours, dis-je, de ta frivole existence ; car voilĂ ton vrai lot, le prix des peines que tu tâes donnĂ©es sous le soleil. Toute affaire qui se prĂ©sente Ă la portĂ©e de ta main, fais-la vite ; car il nây aura ni activitĂ©, ni pensĂ©e, ni savoir, ni sagesse dans le scheol vers lequel se dirigent tous tes pas. XXII Jâai vu encore sous le soleil que, quand il sâagit de course, on ne sâadresse pas au meilleur coureur ; que, quand il sâagit de guerre, on ne fait point appel aux braves ; que le pain nâest pas pour les sages, ni la richesse pour les intelligents, ni la faveur pour ceux qui savent. Les circonstances et le hasard rĂšglent tout et lâhomme ne connaĂźt pas plus lâheure de sa destinĂ©e que les poissons pris dans les rets et les oiseaux pris au piĂšge. Comme eux, les fils dâAdam sont engagĂ©s dans les filets pour lâheure fatale qui tombe sur eux Ă lâimproviste. Voici un exemple de sagesse que jâai vu sous le soleil, et qui mâa paru frappant. Il y avait une petite ville qui comptait trĂšs peu dâhabitants ; un roi puissant marcha contre elle, lâassiĂ©gea et bĂątit autour dâelle de grandes contrevallations. Or il se trouva dans cette ville un pauvre homme sage, et il fit si bien quâil dĂ©livra la ville par sa sagesse. Et maintenant personne ne se souvient de ce pauvre homme. Et je fis deux rĂ©flexions Mieux vaut sagesse Que sagesse du pauvre est vite mĂ©prisĂ©e ; A ses conseils toute oreille est fermĂ©e. XXIII La voix du sage, Ă©coutĂ©e en silence,Vaut mieux que les clameurs du roi des Ă©tourdis. La sagesse vaut mieux que les engins de guerre ; dâun autre cĂŽtĂ© un seul pĂ©cheur suffit pour annuler beaucoup de bien. Une mouche morte gĂąte tout un vase de parfums ; de mĂȘme tout le prix de la sagesse et de la gloire est dĂ©truit par un peu de folie. A droite est le cĆur du sage ;A gauche est le cĆur du sot. Rien quâĂ voir le sot faire un pas sur la route, on voit que la tĂȘte lui fait dĂ©faut ; par sa seule dĂ©marche il dit Ă tout le monde Je suis un sot. » Il faut savoir se tenir. Si la colĂšre du souverain sâallume contre toi, ne quitte pas trop vite ta place ; car, si on se lĂšve trop vite, on donne lieu de croire quâon a commis de grands mĂ©faits. XXIV Il y a un abus que jâai vu sous le soleil et dont les autoritĂ©s sont la cause ; câest quand les gens de rien sont placĂ©s en haut, et que les grands, les notables sont assis en bas. Jâai vu les valets Ă cheval et les princes marcher Ă terre comme des valets. On aura les consĂ©quences. Celui qui creuse une fosse y tombe ; celui qui dĂ©molit une muraille, le serpent le mord. Celui qui taille les pierres est atteint par les Ă©clats ; celui qui fend du bois en reçoit toujours quelque blessure. Un fer Ă©moussĂ©, dont on nâa pas affilĂ© le tranchant, est une force encore ; ainsi la sagesse finit par lâemporter. Quand le serpent mord celui qui le charme, quel beau profit pour le charmeur ! La parole du sage est de grĂące remplie, Et les lĂšvres du sot sont causes de sa mort. Il dĂ©bute par lâineptie ; il finit par la plus triste insanitĂ©. Le niais multiplie les paroles. Lâhomme ne sait pas ce qui a Ă©tĂ© avant lui ; qui donc lui rĂ©vĂ©lerait ce qui aura lieu aprĂšs lui ? Bien sot qui prend pour lui le travail fatigant et nâa pas lâidĂ©e de venir Ă la ville. XXV Malheur Ă toi, pays qui as pour roi un esclave et dont les princes sont Ă table dĂšs le matin ! Heureux pays, au contraire, qui as pour roi un fils dâhomme libre et dont les princes mangent Ă lâheure convenable, pour rĂ©parer leurs forces, non par sensualitĂ©. Le plancher sâeffondre bien viteSur la tĂȘte des nonchalants ;Et la maison fait eau par suite Des bras balants. MisĂ©rables, qui se font un jeu du pain et du vin, faits pour rĂ©jouir honnĂȘtement la vie... Lâargent couvre tout... Sous un tel gouvernement, il faut se dĂ©fier. MĂȘme quand tu es seul avec toi-mĂȘme, ne maugrĂ©e pas contre le roi ; au fond de ta chambre Ă coucher, ne dis pas un mot contre l'homme puissant ; car lâoiseau du ciel pourrait saisir tes paroles et les faire voyager ; la gent ailĂ©e pourrait rapporter ce que tu as dit. XXVI Lance hardiment ta fortune en haute mer ; avec le temps, tu la retrouveras agrandie. Fais-en sept parts et mĂȘme huit ; car tu ne sais pas quel malheur peut tomber sur la terre. Quand le ciel se charge de nuages, câest quâune averse va tomber ; quand lâarbre se couche au midi ou au nord, lâendroit oĂč il tombe, câest lâendroit oĂč il reste. Qui sur le vent trop dĂ©libĂšrePerd le moment dâensemencer ; Qui toujours le ciel considĂšre Manque lâheure de moissonner. De mĂȘme que tu ignores la route que suit le souffle de vie pour arriver aux os de lâembryon dans le sein de la femme enceinte ; de mĂȘme que tu ne sais rien de la façon dont Dieu fait ce quâil fait. SĂšme le matin, et le soir ne laisse pas reposer ta main ; car tu ne sais pas si câest la semaille du matin ou celle du soir qui doit rĂ©ussir, ou si toutes les deux sont Ă©galement bonnes. TrĂšs douce est la lumiĂšre ;Rien nâest bon pour les yeux comme voir le soleil. Si un homme vit de nombreuses annĂ©es, toujours en joie, quâil nâoublie pas que les jours sombres viendront et seront plus nombreux que les jours Ă©coulĂ©s. Tout est vanitĂ©. XXVII RĂ©jouis-toi, jeune homme, durant ta jeunesse, et amuse-toi dans les jours de ton adolescence ; marche dans les voies de ton caprice et selon ce qui te semble agrĂ©able ; mais sache que Dieu te demandera compte de tout cela. Ăcarte le souci de ton cĆur, Ă©pargne toute fatigue Ă ta chair ; hĂąte-toi, car la jeunesse et la fraĂźcheur passent vite. Souviens-toi de ton crĂ©ateur aux jours de ta jeunesse, avant que viennent les jours du mal et quâapprochent les annĂ©es dont tu diras Rien ne mây plaĂźt. » Avant que sâobscurcissent le soleil et la lumiĂšre, la lune et les Ă©toiles, et que les nuages remontent aussitĂŽt aprĂšs lâondĂ©e ; Quand trĂ©buchent les sentinelles Debout sur le seuil du logis ; Quand se voilent les demoiselles Qui regardent par les treillis ; Quand des forts les roideurs flĂ©chissent ; Quand les servantes du moulin, En nombre insuffisant, mollissent Et cessent de broyer le grain ;Quand, chaque jour, on voit se fermer quelque porte, Du cĂŽtĂ© du bazar, entre le monde et soi ;Quand, des bruits du dehors, le vent ne vous apporte Que le cri de la meule et son grincement froid ; Quand du petit oiseau les chansons matinales Dissipent un sommeil venu tardivement ; Quand aux accords charmants des notes virginales SuccĂšde le repos du dĂ©senchantement ; Quand on craint les moindres montĂ©es, Que tout dans le chemin fait peur,Que pour la sauterelle on nâa que des nausĂ©es, Que lâamande est trop dure Ă des dents Ă©brĂ©chĂ©es Et la cĂąpre impuissante Ă rendre la vigueur Signe Ă©vident que dĂ©jĂ lâon sâengageDans le chemin qui mĂšne au manoir Ă©ternel, Et que, dans le bazar, les pleureuses Ă gage BientĂŽt vont commencer leur pas processionnel ; Avant que se rompe le cordon dâargent et que se brise lâampoule dâor, que le seau se disloque sur la fontaine, que la poulie roule dans la citerne et que la poussiĂšre, faisant retour Ă la terre, redevienne ce quâelle Ă©tait dâabord, tandis que le souffle remontera vers Dieu qui lâa donnĂ©. VanitĂ© des vanitĂ©s, disait le CohĂ©let ; tout est vanitĂ©. Et, comme CohĂ©let possĂ©dait, outre cela, des trĂ©sors de sagesse, il continua dâenseigner le peuple ; il pesa, il scruta, il composa encore beaucoup de proverbes. CohĂ©let rechercha les paroles charmantes ; En maĂźtre il Ă©crivit les maximes du vrai. â L'auteur se dĂ©signe lui-mĂȘme Ă mots couverts.
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Quelquechose dâautre est possible, qui doit nous mobiliser pour affronter le temps actuel et ses difficultĂ©s. Le refus de lâespĂ©rance signe donc la victoire de la mort sur nous car lâespĂ©rance chrĂ©tienne est lâantidote Ă toute fatalitĂ© et Ă tout pessimisme. Cette espĂ©rance ne nous dĂ©douane pas de nos responsabilitĂ©s pour tout
En tout temps, peuples, confiez-vous en Lui, rĂ©pandez vos cĆurs en sa prĂ©sence ! Dieu est notre refuge. Psaume 629 Heureux ceux qui respectent le droit, qui pratiquent la justice en tout temps ! Psaume 1063 Dieu fait toute chose belle en son temps; mĂȘme Il a mis dans leur cĆur la pensĂ©e de lâĂ©ternitĂ©, bien que lâhomme ne puisse pas saisir lâĆuvre que Dieu fait, du commencement jusquâĂ la fin. EcclĂ©siaste 311 Souvenez-vous de ce qui sâest passĂ© dĂšs les temps anciens; car Je suis Dieu, et il nây en a point dâautre, Je suis Dieu, et nul nâest semblable Ă Moi. EsaĂŻe 469 JĂ©sus disait Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche. Repentez-vous, et croyez Ă la bonne nouvelle. Marc 115 Lorsque les temps ont Ă©tĂ© accomplis, Dieu a envoyĂ© son Fils, nĂ© dâune femme, nĂ© sous la loi, afin quâIl rachĂšte ceux qui Ă©taient sous la loi, afin que nous devenions enfants de Dieu. Galates 44-5 Faites en tout temps par lâEsprit toutes sortes de priĂšres et de supplications. Veillez Ă cela avec une entiĂšre persĂ©vĂ©rance, et priez pour tous les saints. EphĂ©siens 618 Que le Seigneur de la paix vous donne lui-mĂȘme la paix en tout temps et de toute maniĂšre! Que le Seigneur soit avec vous tous ! 2 Thessaloniciens 316 Dieu, dans ces derniers temps, nous a parlĂ© par le Fils, quâIl a Ă©tabli hĂ©ritier de toutes choses, par lequel Il a aussi créé le monde. HĂ©breux 12 Humiliez-vous donc sous la puissante main de Dieu, afin quâil vous Ă©lĂšve au temps convenable. 1 Pierre 56 Dâautres suggestions? Propose-les dans les commentaires ci-dessous. Retrouve les autres 10 versets clĂ©s sur⊠Cet article, publiĂ© dans La Bible, est taguĂ© 10 versets clĂ©s, Ă©ternel, belle, confiance, Dieu, hĂ©ritier, humilitĂ©, justice, naissance, paix, prĂ©sence, priĂšre, promesse, temps. Ajoutez ce permalien Ă vos favoris.
3 Rappelle-toi TOUJOURS que Dieu fait toute chose belle en Son temps. Il ne tâoublie pas, mais Il fait travailler le temps et les circonstances en ta faveur, comme de lâargent sur un compte qui produit des intĂ©rĂȘts. Lorsque tu patientes, tu produis des intĂ©rĂȘts sur ton compte spirituel. Alors, quels que soient les temps ou quelles que soient les circonstances que tu traverses,
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